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trouvaient au milieu d’une population hostile, les renseignemens qu’ils pouvaient se procurer étaient généralement plus rares et moins précis, mais, grâce à leur expérience, ils faisaient encore ce service difficile avec une perfection à laquelle les soldats ordinaires n’eussent jamais pu atteindre.

Dans les manœuvres, nous avons l’habitude de faire faire ce service par des pointes d’officiers, et il n’est pas rare de voir un régiment de cavalerie détacher ainsi trois et même quatre officiers. Il est facile de prévoir quelles seraient les conséquences d’un tel système au bout de deux ou trois mois de campagne. La pointe d’officier ne doit être employée que pour obtenir un renseignement d’un ordre spécial, dont le chef a besoin, à un certain moment, dans un minimum de temps. Aussitôt le renseignement obtenu, l’officier vient l’apporter lui-même au chef qui la envoyé. Le service d’éclaireur au contraire doit être constant. Il faut donc que les éclaireurs puissent se relever. Chaque régiment doit en conséquence en posséder un certain nombre. Ce service exige des qualités très spéciales. Une sélection minutieuse permettra de les trouver. Sans doute, la guerre seule permet de savoir si le sujet choisi les possède toutes. Mais comme cette sélection devra d’abord se faire dès le temps de paix, avec quel soin ne faudra-t-il pas diriger l’instruction et la préparation des sujets d’élite désignés ! Ce qui précède amène à créer dans le cadre de chaque régiment de cavalerie huit sous-officiers éclaireurs. Leur instruction sera confiée au capitaine instructeur. A chacun d’eux, on affectera deux chevaux de sang d’une résistance éprouvée. Un brigadier ou un cavalier élève éclaireur leur seront attachés… Il serait trop long d’indiquer ici les détails de leur préparation. Il suffit d’en indiquer l’esprit. La reconnaissance des manœuvres exécutées par les garnisons voisines, soit de jour, soit de nuit, en est la caractéristique. Comme il est essentiel d’échapper le plus possible à la vue, les éclaireurs devront être habillés avec des vêtemens couleur cachou clair (kakee) avec le feutre de la cavalerie américaine. Leur armement sera le revolver automatique et le sabre d’abatis à poignée sans garde (comme le yatagan arabe), fixé à droite sous le panneau de la selle dans une gaine de cuir. Il conviendrait de leur donner une pince, pour couper les fils de fer de clôture. Le manteau lourd et encombrant serait remplacé par un puncho, plié sur le devant de la selle.