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notes dont la première a déjà été communiquée aux Puissances : la seconde le sera-t-elle jamais ? Les deux Puissances se sont partagé le travail. L’Angleterre s’est surtout préoccupée des conditions préalables à réaliser en Macédoine pour y préparer le terrain aux réformes futures, et la Russie s’est chargée de rédiger, une fois de plus, le programme des réformes indispensables. Le gouvernement anglais, sentant bien qu’on ne ferait rien de sérieux en Macédoine si on n’arrivait pas à la suppression radicale des bandes qui l’infestent, a proposé l’organisation d’une force militaire mobile, qui serait commandée par des officiers ottomans, et qui poursuivrait cet objet particulier. Nous ne pouvons rien dire de l’organisation de cette force, puisque la note anglaise n’a pas encore été livrée à la publicité, si ce n’est qu’on reconnaît dans la proposition elle-même le bon sens habituel du gouvernement britannique. Il faut commencer par le commencement : c’est par là que le gouvernement britannique a voulu commencer. Si l’on s’en rapporte aux demi-confidences faites aux journaux, l’impression produite a été bonne. Mais ! .. Rarement cette conjonction n’a mieux indiqué un point suspensif dans les hypothèses qu’il est permis de faire. Tout, en effet, a été mis en suspens. Des événemens imprévus ont eu lieu en Macédoine. L’ordre ou le désordre de choses auquel on était habitué y a fait place à une situation toute nouvelle.

C’est comme un lever de rideau sur une scène inconnue. Tout le monde a entendu parler de la Jeune-Turquie, qu’on pourrait appeler le parti de la régénération du vieil Empire ottoman par des institutions libérales. On savait que ses adhérens, surveillés par la police, poursuivis, traqués, et qu’on croyait tous dispersés dans les diverses capitales de l’Europe, travaillaient néanmoins avec activité à leur propagande ; mais on était loin de connaître les résultats qu’ils avaient atteints, ni de savoir sur quel point particulier ils avaient tourné leur effort. Ils l’avaient tourné sur l’armée. Comprenant que tout l’édifice ottoman reposait sur la force, et que, le jour où cette force manquerait, la catastrophe se produirait, ils ont cherché à convertir à leurs idées le plus grand nombre d’officiers possible, ce à quoi ils ont réussi au-delà de toute espérance. Et cependant, si on y avait bien réfléchi, ne pouvait-on pas pressentir qu’ils trouveraient dans l’armée comme ailleurs, mieux qu’ailleurs même, un terrain propice à leur action ? L’armée ottomane, qui a des qualités admirables d’endurance, de patience, de courage, de dévouement, est une des premières victimes des vices invétérés de l’administration impériale : le paiement de sa solde n’est jamais assuré, et ce qu’on