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comme gouvernement autonomes ; mais ses débuts sont entourés d’une bienveillance universelle. On a fait, il y a quelques mois, des arrangemens pour consacrer la situation de tous ces pays du Nord les uns à l’égard des autres, ainsi que la liberté des mers qui les baignent, et pour leur donner des garanties nouvelles. Nous ne nous demanderons pas s’ils en avaient vraiment besoin, ni ce que vaudraient ces garanties si on les mettait sérieusement à l’épreuve. Mais fort heureusement, il n’y a pas de paix mieux assurée que celle des pays septentrionaux. Quant à la Russie, elle occupe une place à part dans nos pensées, non seulement parce qu’elle est une très grande puissance et que l’équilibre du monde repose en partie sur elle, mais parce qu’elle a rompu la première l’isolement où nous étions tenus, et qu’elle nous a tendu une main amicale. Ce sont des souvenirs qui ne s’effacent pas. Le rapprochement qui s’est opéré entre elle et nous a pris bientôt la forme d’une alliance formelle. A partir de ce moment, la physionomie de l’Europe a été modifiée. Il n’y a pas un seul groupement de puissances, mais deux, et le second s’est singulièrement développé, ordonné, consolidé depuis quelque temps. Alors le maintien de la paix a cessé de dépendre d’une volonté unilatérale, à laquelle nous rendons d’ailleurs la justice qu’elle a toujours été pacifique ; mais elle a été parfois inquiète et agitée, et la sécurité générale ne pouvait que gagner à ce qu’elle eût un contrepoids. L’alliance franco-russe, complétée depuis par l’entente cordiale qui, de Paris, s’est étendue à Saint-Pétersbourg, est devenue un des plus importans facteurs de la politique mondiale. Aussi était-il naturel que M. le président de la République, à l’exemple de ses devanciers, fît une visite à l’empereur de Russie, auprès duquel il trouve le même accueil amical. Au moment où nous écrivons, le voyage de M. Fallières n’est pas encore terminé, mais le caractère qu’il a eu dès le premier jour se maintiendra certainement jusqu’au dernier : on peut en escompter les effets avec confiance. Nous ne nous arrêterons pas aux discours qui ont été prononcés dans ces diverses rencontres ; ils ont été ce qu’ils devaient être : pleins de mesure, de tact et de cordialité.


Pouvons-nous donc jeter sur le monde un coup d’œil absolument satisfait ? N’y a-t-il aucun point noir, aucun nuage floconneux à l’horizon ? Si la disposition des gouvernemens est pacifique, celle des choses l’est-elle également ? Enfin n’avons-nous d’aucun côté rien à craindre, et pouvons-nous envisager le présent et l’avenir en toute sécurité ?