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proche en proche, se propage, s’avance même jusqu’au blocus qu’un négociant de Manchester voudrait voir soumis à la loi terrestre des sièges. Mais, de l’avis des amiraux de la Commission, un blocus des îles anglaises n’est pas praticable et, s’étant libérée de toute menacé du côté de la mer, la Grande-Bretagne entend garder toute sa puissance offensive.

A la lumière de l’enquête de 1903-1905, la tactique anglaise est ainsi tracée : pour défendre l’hégémonie britannique contre les progrès de l’Allemagne, demander la limitation des arméniens ; pour assurer le ravitaillement du territoire, proposer la totale suppression de la contrebande, puis, à la liberté du commerce ennemi, ne faire aucune résistance isolée, même, assez ironiquement, offrir l’adhésion de la Grande-Bretagne en échange d’une limitation des arméniens. Attitude toute libérale ; mais d’apparence seulement. Car, par cette offre humanitaire, la Grande-Bretagne désarme ses adversaires sans cesser de garder contre eux l’arme exclusive que, par sa position insulaire, nul ne peut utiliser contre elle, et que, par sa forte marine, elle peut, du moins en Europe, employer contre tous. Contrebande de guerre, capture de la propriété ennemie, elle peut tout abandonner, — tout, hormis le blocus. Puis, par le blocus, elle est conduite aux mines qui, directement, paralysent ses avantages particuliers et que, dès lors, elle doit strictement interdire.

Veut-elle bloquer une côte assez restreinte ? La mine peut menacer, aux longues distances des croisières, ses forces bloquantes. Veut-elle poursuivre en haute mer un ennemi plus faible ? Il va se retirer en semant derrière lui, pour couvrir sa fuite, des mines amarrées ou flottantes. Et par là, dans sa puissance agressive, soit contre le commerce, soit contre la flotte, l’Angleterre se trouve arrêtée, paralysée, presque désarmée. Quelques accidens de mine au début d’une guerre et que devient le two powers standard ? Mais il y a plus, et par la mine, c’est l’Angleterre à son tour qui se trouve menacée. Comment les routes du commerce anglais seraient-elles sûres si la torpille automatique, invisible et dormante, pouvait peupler les mers d’écueils inconnus ? Comment l’Angleterre, qui tient au blocus parce qu’elle y voit une arme pour elle, jamais contre elle, serait-elle encore invulnérable si l’adversaire pouvait enfermer dans un cordon secret de mines le rivage qu’il n’aurait pas la force d’étreindre dans l’étau puissant du blocus ? Devant cette