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manufacturer ? — Londres est-il un port d’équipement ? Oui. — Hull et Liverpool ? Non. — Mais ces questions mêmes trahissent une redoutable incertitude. Et déjà l’on pressent, à l’enquête, que la Grande-Bretagne est bien près d’abandonner la contrebande des vivres à destination d’un port d’équipement. Sans toucher encore à la contrebande des vivres, Holland cherche à côté, par une voie parallèle, le moyen d’assurer la Grande-Bretagne, en temps de guerre, contre le double risque de la famine et de la misère. Pour défendre contre l’arbitraire du belligérant leur propre interprétation de la contrebande, les neutres, à la fin du XVIIe siècle, ont imaginé de faire escorter leurs navires marchands par un vaisseau de guerre dont l’officier, rencontrant l’ennemi, donne sa parole que la flotte ne porte pas de contrebande : c’est le convoi. L’Angleterre, dont cette procédure restreint le droit de visite et de prise, en conteste la validité. Mais, du moment que les neutres peuvent ainsi lui conduire ses vivres et ses matières premières, sur la simple affirmation d’un commandant militaire que la flotte convoyée n’a pas de contrebande, elle envisage, avec une faveur nouvelle, le procédé qu’elle repoussait autrefois. A l’enquête de 1903-1905 « il est un point, dont j’aimerais à parler, dit le professeur Holland, c’est celui du convoi : presque tout le continent l’admet, les États-Unis également. » Dès lors, les navires américains chargés de blé peuvent arriver à l’Angleterre sur la simple parole d’un officier des Etats-Unis : résultat si favorable que, sur une demande précise, Holland, songeant à la conférence prochaine, n’hésite pas à déclarer que « la question mériterait d’être examinée par les puissances en commun[1]. » Sans apporter formellement à la visite l’exception du convoi, la Grande-Bretagne perd dans cette question, qui jadis provoqua tant de guerres, son intransigeance d’autrefois.

Mais le convoi mettrait l’approvisionnement, c’est-à-dire le travail et la vie, de la Grande-Bretagne à la merci de la parole des neutres, perspective précaire, à demi satisfaisante pour la sécurité territoriale, inacceptable pour l’orgueil national. Et, de proche en proche, la tendance britannique se fait de plus en plus favorable à la neutralité. « La conclusion à laquelle j’arrive, dit Westlake, à titre de ligne de conduite, est que la politique

  1. Déposition du professeur Holland, Report supra cit., II, Minutes of evidence, p. 231 et suiv.