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de la Confédération du Travail, c’est, par des secousses répétées, quasi ininterrompues, d’amener, pour employer une expression vulgaire, un prochain et soudain « chambardement » de la société capitaliste. En cela, et quoique faisant profession d’ignorer Karl Marx et de mépriser les collectivistes doctrinaires, il se trouve que les chefs pratiques de la Confédération se rapprochent de la théorie « catastrophique » que Marx entrevoyait. Seulement, ils pensent que « la catastrophe » ne peut venir d’elle-même et qu’elle doit être le résultat d’assauts indéfiniment répétés.

Il est échu à la Confédération générale du Travail une aubaine qu’elle ne pouvait guère espérer ; ce n’est pas seulement sur les groupemens ouvriers que son ascendant s’est étendu et quasi définitivement établi. Elle exerce une fascination sur d’autres catégories d’hommes, très différentes, très nombreuses et influentes : les employés des services publics. Les fautes gouvernementales l’y ont singulièrement aidée. Depuis un quart de siècle, nous n’avons cessé de dénoncer, quant à nous, le despotisme intolérable auquel, sous la troisième République, le gouvernement assujettit ses fonctionnaires de tous ordres. Sous le prétexte qu’ils doivent être toujours, même en dehors de leurs services professionnels, en harmonie d’opinion et d’action avec « le gouvernement qui les paie, » comme s’il les payait avec les deniers propres des ministres et des députés de la majorité, et non avec les deniers de tout le monde, il plonge et tient ses fonctionnaires dans la plus abjecte servitude ; il prétend ne leur laisser aucune liberté, ni celle d’obéir à leur conscience pour la pratique de ce qu’ils considèrent comme des devoirs religieux et moraux, ni celle de choisir l’école que leurs enfans devront fréquenter, ni celle de leurs relations dans la vie civile, ni celle de leur vote, même occulte et en dehors de toute manifestation et de toute propagande. Il n’y a rien de dégradant et d’odieux, de littéralement répugnant, comme le régime auquel depuis un quart de siècle, dans la démocratie française, le gouvernement assujettit les fonctionnaires et les agens des services publics ; chaque ministère prétend qu’ils sont sa chose, les tient à la chaîne et fait des intrusions constantes dans leur vie domestique. Les plus hauts, comme les plus humbles, agens de l’État et des municipalités, sont soumis à un contrôle incessant qui n’a rien à voir avec les exigences et le bien du service et qui tend à éloigner des administrations