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Il nous est impossible de suivre M. le ministre des Travaux publics dans les détails qu’il a donnés : leur caractère est trop spécial et trop technique pour convenir ici. Nous nous contenterons de dire qu’au point de vue financier, M. Barthou a répété à plusieurs reprises que l’opération qu’il proposait était une « opération blanche, » ce qui signifie que l’État n’y gagnerait et n’y perdrait rien ; il n’y aurait ni perte, ni bénéfice. Alors, pourquoi la faire, et qu’est-ce donc que cette grande réforme qui aboutit à zéro ? Le Sénat était étonné. Mais il n’a pas tardé à reconnaître, lorsque M. Prévet a succédé à M. Barthou à la tribune, que l’opération ne serait pas aussi insignifiante et inoffensive qu’on la lui avait présentée. En ce qui concerne la garantie d’intérêts, par exemple, la charge de l’État s’étendra à vingt ans de plus. Pour le reste, la situation restera la même ; l’État aura les mêmes obligations que la compagnie, ni plus, ni moins, et le contribuable devra y faire face ; c’est dans ce sens que l’opération sera « blanche. » Plus on retourne la question, plus on se demande pourquoi, pour quel intérêt, pour quel but le gouvernement l’a posée devant les Chambres, et moins on parvient à s’en rendre compte. De profit pour l’État, il n’y en a aucun ; des chances à courir, il y en a beaucoup, et plusieurs sont mauvaises ; n’est-U donc pas plus sage d’attendre la fin de la concession ? C’est précisément parce qu’on ne parvient pas à comprendre l’intérêt de l’État dans cette affaire qu’on est amené à en chercher un autre, car il faut bien que quelqu’un en ait un, et on ne trouve que celui des collectivistes.

M. le ministre des Travaux publics a affirmé, à la vérité, qu’il avait un autre motif de proposer le rachat, à savoir qu’au point où elle en est déjà et surtout à celui où elle ne manquera pas d’arriver dans quelque temps, la dette de la Compagnie envers l’Etat sera si élevée qu’elle ne pourra jamais être remboursée, et que le gage qui en répond sera insuffisant. C’est pour cela seulement, a dit M. Barthou, que je conclus au rachat, et non pas du tout pour complaire aux collectivistes. Mais ses assertions sont très contestables. En admettant qu’elles soient vraies, il reste à savoir ce qu’on fera après le rachat : c’est là-dessus que portera désormais le poids principal du débat. Il y a trois solutions : la concession à une nouvelle compagnie, l’établissement d’une compagnie fermière, l’administration directe par l’État. D’après M. Barthou, la première serait le retour à l’état de choses actuel, ou à un état analogue, ce qui n’est pas prouvé ; la seconde serait détestable, pour des motifs qu’il n’a pas donnés ; la troisième seule serait admissible à ses yeux, et, cette fois, il en a