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l’entreprise africaine, — et M. de Lantsheere, tout en se montrant favorable au principe de l’annexion, manifestait hautement son hostilité à l’égard du projet. La gauche libérale, de son côté, se déclarait résolue à le rejeter. Dans ces conditions, une crise gouvernementale semblait imminente quand, dans les premiers jours de janvier 1908, la mort subite de M. de Trooz et son remplacement par M. Schollaërt vinrent modifier la situation. Le nouveau chef du Cabinet a reconnu, dans sa déclaration ministérielle, que « la teneur du traité avait soulevé certaines appréhensions dans beaucoup d’esprits, même chez les citoyens dévoués à la politique coloniale et admirateurs de l’œuvre du souverain. » Le bruit courut que le premier ministre avait fini par obtenir du Roi l’abandon de la Fondation de la Couronne. Néanmoins, les pourparlers se prolongeaient quand l’attitude du gouvernement britannique et le langage tenu par Edouard VII lui-même dans son discours du trône à la Chambre des lords, le 29 janvier, prouvèrent au roi Léopold la nécessité d’aboutir enfin à une solution.


Mon gouvernement, avait dit le roi Edouard, a la pleine conscience de la grande anxiété ressentie au sujet du traitement qui est infligé à la population indigène du Congo. L’unique désir de mon gouvernement est de voir le gouvernement du Congo administrer l’État avec honnêteté et conformément à l’esprit de l’Acte de Berlin. J’ai la confiance que les négociations actuellement en cours, entre le souverain de l’Etat du Congo et le gouvernement belge, produiront ce résultat.


Cette intervention directe du roi Edouard dans l’affaire congolaise causa une vive impression à Bruxelles. Trois semaines plus tard, le lord-maire de Londres, les magistrats de la Cité, revêtus de leur costume de cérémonie, et d’autres hauts personnages assistaient à la grande manifestation organisée par la Congo Reform Association, donnant ainsi, par leur présence, une sorte de sanction au violent réquisitoire dressé par le secrétaire de la Société, M. Harris, contre le souverain de l’Etat indépendant qu’il a placé « au-dessous du Sultan » et comparé à « Néron et Pizarre réunis. » En même temps était publié un Livre blanc contenant les rapports des consuls de la Grande-Bretagne qui ont parcouru le Congo durant le cours de l’année dernière : ces rapports tendent à prouver que, presque partout, des instructions et des circulaires ont modifié, au détriment des indigènes, le sens apparent des décrets de réforme et qu’en somme la