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Belgique, où la fondation de l’Etat du Congo n’avait jamais été populaire. Sans refuser au Roi d’abord l’approbation, plus tard l’appui financier qu’il demandait, tous les partis s’étaient évertués à dégager leur responsabilité respective. Cependant, en 1890, M. Beernaert avait été chargé de porter à la connaissance du pays le testament par lequel Léopold II déclarait « léguer et transmettre, après sa mort, à la Belgique, tous ses droits souverains sur l’Etat indépendant, avec faculté pour la Belgique de s’annexer cette vaste colonie, même du vivant du souverain si elle le jugeait bon, et le Parlement avait presque unanimement ratifié la convention par laquelle l’Etat belge avançait à titre de prêt, à l’Etat du Congo, une somme de 25 millions non productifs d’intérêts pendant dix ans. Le public belge était demeuré assez indifférent, plutôt sceptique et railleur, mais quand on apprit, en 1893, que des sommes considérables avaient été dépensées, des milliers de vies humaines sacrifiées à la construction d’un chemin de fer à peine ébauché, les critiques haussèrent le ton pour blâmer « l’aventure africaine. » Le Roi ne se découragea point ; il obtint que les établissemens belges qui avaient participé à la formation du premier capital, garantiraient à la Compagnie le placement d’un emprunt de 6 millions et, de leur côté, les Chambres, après une discussion qui se prolongea deux ans (1894-1896), approuvèrent une convention par laquelle l’Etat belge portait sa souscription de 10 à 15 millions et accordait, en outre, la garantie du Trésor à une émission de 10 millions d’obligations. Pendant ce temps, les travaux se continuaient ; on était parvenu à trouver, en les payant fort cher, des travailleurs sénégalais aussi intrépides que résistans. Grâce à eux, la voie ferrée atteignait, en mars 1898, la rive du Stanley Pool, et la ligne des Cataractes était solennellement inaugurée sous la présidence du colonel Thys. La dépense totale atteignait 75 millions, au lieu de 25 qui avaient été prévus ; mais, à peine le chemin de fer terminé, la moyenne des recettes s’éleva à plus d’un million par mois ; aussitôt, dans le public, un « emballement « véritable succéda au scepticisme des premières années. Les parts de fondateur tombées, cinq ans auparavant, à 250 francs, montèrent à 10 000 ; les actions de 500 francs, tombées à 300, montèrent à 2 500[1]. On comprit, dès lors, que l’œuvre

  1. Actuellement les parts de fondateurs sont à 4 000 francs environnes actions à 1 480 francs.