Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les négociations se traînaient dans ces redites quand, le 27 janvier, le baron d’Æhrenthal, pour faire diversion et masquer l’échec définitif de la politique de Mürzsteg, parla chemins de fer et souleva l’incident que l’on sait. Mais deux jours après, le 29, le roi Édouard, dans le discours du trône, ramenait la question sur le terrain macédonien :


Les conditions dans lesquelles se trouvent les populations macédoniennes ne se sont pas améliorées. Les bandes des différentes nationalités continuent leurs actes de violence et la situation cause une vive anxiété. Les grandes puissances européennes se sont entendues pour présenter au gouvernement turc un projet tendant, à améliorer l’état des choses et à remédier efficacement aux principales causes de désordre.


L’effet produit fut considérable non seulement par la netteté du langage qui constate les conditions déplorables où vit la Macédoine et l’importance qu’y attache le Cabinet britannique, mais aussi par l’affirmation que ce sont « les grandes puissances » à qui il appartient d’y porter remède. Ainsi l’évolution est accomplie : au lieu des deux « puissances de l’entente, » l’Autriche et la Russie, c’est désormais le concert européen tout entier qui va assumer l’œuvre des réformes ; « le mandat spécial confié aux deux puissances prend fin, » constate elle-même la note russe du 24 mars ; la Grande-Bretagne manifeste sa résolution de prendre les initiatives nécessaires pour aboutir à une solution ; elle jouera, pour ainsi dire, un rôle d’avant-garde ; au besoin même, elle saura agir seule. Quelques jours après le discours du trône, le 3 mars, sir Edward Grey proposait à toutes les chancelleries un programme comportant quatre points :


1o Administration des trois provinces macédoniennes par un gouverneur général qui serait sujet ottoman, de confession chrétienne ou musulmane, et ne serait exposé à un renvoi qu’avec l’assentiment des puissances ;

2o Pour satisfaire l’amour-propre du Sultan, les agens civils, les membres de la Commission financière et les assistans du général commandant la gendarmerie pourraient également entrer au service de la Turquie ;

3o La gendarmerie serait augmentée et employée à la place des troupes ottomanes contre les bandes révolutionnaires. La solde serait payée au moyen des fonds qui jusqu’ici ont été affectés aux troupes turques ;

4o Si on réduisait, le nombre des soldats ottomans, les puissances garantiraient l’intégrité et la sécurité extérieure des domaines du Sultan.


En soumettant aux grandes puissances un tel programme, le cabinet libéral anglais ne s’est certainement pas flatté qu’il serait