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instance auprès de la Porte pour obtenir certaines lignes nécessaires à leur développement : l’occasion était bonne pour prendre en main leurs intérêts, d’autant plus que l’un de ces projets, la ligne du Danube à l’Adriatique, intéresse directement la Russie ; il constituerait la route la plus courte entre ses provinces méridionales et l’Adriatique, et la mettrait en communication, à travers la Roumanie, avec la Serbie et le groupe des pays jougo-slaves. Deux tracés ont été proposés et étudiés ; le choix de l’un ou de l’autre n’a pas seulement un intérêt technique, mais aussi et surtout un intérêt politique.

Dans toute la traversée de la Serbie, les deux projets se confondent ; le gouvernement serbe a depuis longtemps fait commencer les travaux ; une section est même déjà achevée. La ligne part de Radoujevatz, sur le Danube, un peu au Nord de Negotin, à peu de distance en amont de la frontière bulgare ; c’est là, entre Radoujevatz et Praovo, que l’on projette un grand pont sur le Danube qui permettrait la soudure avec le réseau roumain à Craïova. De Radoujevatz la voie remonte la vallée du Timok, franchit une chaîne de montagnes et arrive à Nisch où bifurquent déjà la ligne de Salonique et celle de Sofia-Constantinople. Nisch deviendrait ainsi un nœud très important de voies ferrées. De là la voie se dirigera vers le Sud et arrivera à Kourchoumlié, près de la frontière turque. A partir de ce point, les deux tracés diffèrent. C’est celui du Sud dont la concession est actuellement demandée à la Porte par la Serbie et la Russie ; de Kourchoumlié il se dirige sur Pristina, coupe à Ferizovic la ligne de Mitrovitza à Salonique, longe le flanc septentrional du Char-Dagh, atteint Prizrend, principal centre d’un grand bassin naturel dont la fertilité et la richesse seraient merveilleuses si la sécurité y régnait ; puis, par l’étroite vallée du Drin, il arrive à l’Adriatique. A l’embouchure du Drin s’ouvre la baie de San Giovanni di Médua ; c’est l’aboutissement naturel du chemin de fer ; mais la baie est peu profonde, marécageuse, et l’établissement d’un port y serait coûteux et difficile ; au contraire, un peu plus au Nord, le port d’Antivari est presque aménagé. Antivari est une ville, tandis que Saint-Jean de Médua n’est qu’un groupe de baraques. Mais Antivari est en territoire monténégrin, et il se pourrait que le gouvernement ottoman imposât comme condition que le chemin de fer aboutît dans un port turc, soit à Saint-Jean de Médua, soit à l’embouchure de la