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et que le chancelier de Bülow a déposé un projet de loi qui supprime une partie des restrictions imposées maladroitement à la liberté des échanges.

Mais si le rôle financier de Berlin a diminué, la force économique de l’Allemagne n’a pas fait de même. Grâce au merveilleux essor de sa population, qui, en moins de quarante ans, a passé de 40 à 60 millions d’âmes, elle a mis en pleine valeur ses gisemens de houille et de fer, et organisé une industrie sidérurgique qui occupe le second rang dans le monde, après les États-Unis. À côté d’elle, l’industrie électrique sous toutes ses formes, celle des produits chimiques, de la soie, des tissus, et vingt autres se sont développées de la manière la plus remarquable, si bien que la production agricole est devenue insuffisante pour nourrir ces millions d’ouvriers, que les objets fabriqués de toute sorte, et non plus les céréales, forment aujourd’hui le fond de l’exportation, et que l’Allemagne est devenue une puissance essentiellement industrielle, avec les avantages et aussi les difficultés que comporte ce régime.

Ce sont ces dernières qu’il faut rappeler ici, parce qu’elles ont amené les phénomènes de 1907, identiques en grande partie à ceux qui étaient déjà apparus au commencement du XXe siècle, après la période brillante qui avait clos le XIXe et avait trouvé son apogée vers 1900, au moment, ou plutôt à la veille de l’Exposition universelle de Paris. Alors déjà, l’Europe avait connu la réaction inévitable qui suit les années de grande prospérité, la baisse des matières premières, des métaux, des actions de sociétés dont l’activité et les bénéfices dépendent précisément de l’état général des marchés. Les cours poussés au-delà des bornes raisonnables, aux heures où le public s’imagine que rien ne se mettra en travers de l’expansion indéfinie des forces productrices, s’abaissèrent à un niveau déprécié quand l’horizon sembla fermé et que tout le monde se laissa aller au découragement. L’Allemagne fut durement éprouvée en 1901 : les commandes se firent rares, des entreprises mal conçues et mal dirigées s’écroulèrent, entraînant même dans leur chute une banque importante de Leipzig. Cependant, la structure de l’édifice était devenue plus solide qu’en 1873 et la résistance opposée fut tout autre. Peu à peu le mal s’atténua ; les élémens de vitalité qui abondaient reprirent le dessus ; les entreprises viables fortifièrent leur situation, s’unirent dans certains cas. Les cartels, si