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lancèrent à corps perdu dans le tourbillon qui aboutit au krach de 1873, aussi meurtrier à Berlin qu’à Vienne. Nombre de banques suspendirent leurs paiemens ; beaucoup d’usines qu’elles commanditaient fermèrent leurs portes. Il fallut des années pour réparer le désastre et rendre la confiance aux financiers et au public. Néanmoins, on se remit à la tâche. Le gouvernement prussien, tout entier à son programme d’unification, racheta presque toutes les lignes de chemins de fer existant sur son territoire, en construisit de nouvelles et constitua un réseau de plus de 30 000 kilomètres, auquel il chercha à donner le maximum d’efficacité pour stimuler de son mieux l’industrie nationale : d’une part, il poussait les embranchemens dans toutes les directions où les usines et les fabriques en avaient besoin ; de l’autre, il mettait en vigueur des tarifs habilement combinés en vue de faciliter l’arrivée des matières premières aux usines de transformation, de favoriser l’exportation des produits fabriqués et d’amener au plus bas prix possible dans les ports le fret destiné aux compagnies de navigation nationales, dont l’essor a été aussi rapide que celui des industries terrestres. Grâce à cette politique intelligente, les marchés allemands, celui de Berlin en première ligne, reprirent une grande importance : aux environs de 1880, ce dernier avait conquis une place éminente en Europe, notamment en ce qui concerne les émissions de fonds internationaux. Mais alors le parti agrarien, si écouté dans les conseils des Hohenzollern, fit sentir son influence sur l’orientation économique de l’Empire : ligué avec les grands industriels, il convertit Bismarck aux idées protectionnistes, et commença contre les marchés des valeurs mobilières une campagne acharnée, qui, en des étapes successives, a provoqué une législation de plus en plus hostile à la bourse, destructive des marchés à terme, et restrictive, par conséquent, des transactions. Depuis ce moment, les places de Berlin et de Francfort ont beaucoup perdu de leur suprématie au point de vue des affaires financières internationales, qui sont demeurées l’apanage de Londres et de Paris, de cette dernière ville surtout, après que la guerre du Transvaal eut ébranlé le crédit anglais et imposé au Royaume-Uni une épreuve, dont les effets désastreux commencent seulement à s’atténuer aujourd’hui. Ce n’est que tout récemment que le gouvernement allemand, ouvrant enfin les yeux à l’évidence, a reconnu le tort qu’il avait causé au pays par la campagne anti-boursière,