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faire du clergé. « Les évêques sont fonctionnaires de l’Empire, — a-t-il écrit, — leurs paroles et leurs actes appartiennent à l’Empereur ; en conséquence, il en use contre tous ses ennemis, contre tout rival, rebelle ou adversaire, contre les Bourbons, contre les conscrits réfractaires, contre les Anglais et les Russes, enfin contre le Pape. » Le clergé est une armée soumise à une forte discipline et à une rigoureuse hiérarchie. Avec un pareil maître, toute infraction est sévèrement punie, toute résistance immédiatement brisée. Le délinquant s’entend dire comme l’abbé d’Astros : « J’ai l’épée au côté, prenez garde à vous. » Rien n’arrête le souverain. Si le Pape s’oppose aux desseins politiques de l’Empereur en Italie, il est dépouillé de ses biens. Rome sera occupée militairement comme l’aurait été une autre capitale, réunie ensuite avec son territoire aux départemens de la France. Napoléon parlera le langage des rois Capétiens, reprendra les procédés barbares des Hohenstauffen, ressuscitera les vieilles querelles des Investitures. Et lorsque le Pape, usant de ses armes spirituelles, excommuniera son adversaire, il sera fait prisonnier, puis traîné jusqu’à Fontainebleau où Napoléon essayera d’extorquer au vicaire de Jésus-Christ un Concordat nouveau pour le lier davantage encore à l’Eglise gallicane.

Quelque répugnans que fussent ces procédés, les historiens constatent que la paix de l’Église de France ne fut pas troublée pendant la lutte avec le Saint-Siège. Si les mesures de rigueur vis-à-vis des ultramontains s’exercèrent en plus grand nombre, la religion et ses ministres ne reçurent jamais plus d’honneurs que sous l’épiscopat du cardinal Maury. L’Empire s’écroula ; le Concordat eut à supporter d’autres assauts, mais il y survécut. L’ordre et la paix religieuse régnèrent dans notre pays pendant tout un siècle, jusqu’aux jours néfastes où le gouvernement de la République commit la faute de rompre le pacte de 1801 et laissa volontairement tomber de ses mains l’instrument précieux et nécessaire forgé par le Premier Consul.


RAYMOND DE VOGÜE.