Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/674

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rappelait « les récens attentats du gouvernement impérial contre la souveraineté pontificale, » opposait à la « servilité » du prélat la louable conduite de Fesch, et rappelait à Maury ses liens avec l’église de Montefiascone, dont il n’était point dégagé. Maury nia toute sa vie que ce bref lui fût parvenu. Dastros, l’un des vicaires capitulaires, en avait reçu une copie vers le milieu de décembre ; il en donna lecture à son cousin Portalis qui lui recommanda de n’en point parler « dans l’intérêt de la religion. » Portalis, « très ému, » se rendit chez Pasquier qui transmit la nouvelle à Savary. Le 30 ou le 31 décembre, Dastros reçut un nouveau bref (daté du 18 décembre), « à lui personnellement adressé. » Ce document, encore plus explicite que le premier, frappait de nullité les actes d’administration que Maury pourrait faire. Le ministre des Cultes, Bigot de Préameneu, en informa l’Empereur qui décida de se débarrasser d’un vicaire capitulaire aussi indépendant que l’abbé Dastros. Aux réceptions du 1er janvier, Napoléon fit une brusque sortie contre l’abbé, que Maury conduisit ensuite dans son carrosse chez le préfet de police. Pasquier le retint prisonnier ; le 2 janvier, Dastros, « prévenu d’avoir transgressé les lois organiques du Concordat et entretenu des correspondances contraires à l’intérêt de l’Etat, » fut destitué de ses fonctions et enfermé à Vincennes, où il resta trois ans. Le chapitre de Notre-Dame révoqua le lendemain les pouvoirs de l’abbé Dastros, après que le ministre des Cultes en eut délibéré avec trois vicaires capitulaires[1].

Le 4 janvier, se produisit au Conseil d’État la fameuse scène que le chancelier Pasquier a racontée dans ses Mémoires. Portalis, invectivé par l’Empereur, s’entendit reprocher dans les termes les plus rudes d’avoir « favorisé une correspondance rebelle avec le Pape. » Malgré la courageuse intervention du préfet de police, il fut exclu du Conseil : « Sortez, monsieur, lui dit finalement l’Empereur, que je ne vous voie jamais devant mes yeux[2] ! »

Maury exerçait en fait les pouvoirs d’un archevêque de Paris : il ne portait cependant pas le titre d’archevêque titulaire. Ses mandemens débutaient ainsi : Jean-Siffrein Maury

  1. Dastros, ayant reconquis sa liberté et repris ses fonctions sous la première Restauration, fut exilé pendant les Cent-Jours. Louis XVIII le nomma archevêque de Bayonne, et Charles X le transféra au siège de Toulouse. Il fut créé cardinal en 1850, à la demande du prince-président.
  2. Pasquier, Mémoires, t. I, p. 442-444.