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continuaient à régner sur les esprits. La noblesse et la bourgeoisie laissaient les pratiques religieuses aux « étages subalternes de la société. » Le monde officiel se montrait hostile : « savans, militaires, hommes politiques restaient en grand nombre attachés à l’irréligion méprisante et soupçonneuse qui avait inspiré l’Institut dès sa fondation, animé les armées républicaines,… caractérisé la politique du Directoire. » La deuxième classe de l’Institut, — qui correspondait à l’Académie française, — élisait en 1803 Parny, l’auteur du poème de la Guerre des Dieux, et protestait ainsi contre la promulgation du Concordat. Le parterre du Théâtre-Français soulignait par des applaudissemens les tirades où Marie-Joseph Chénier présentait Fénelon comme un ennemi du fanatisme. Les représentations de l’Œdipe de Voltaire, du Charles IX de Chénier, des Templiers de Raynouard, celles surtout de Tartufe, étaient l’occasion de fréquentes manifestations anti-religieuses.

Les disciples de Voltaire continuaient à diriger contre l’Eglise l’accusation d’intolérance. On s’indignait contre le rigorisme de certains ecclésiastiques comme l’abbé Delpuits. Cet ancien jésuite réunissait tous les quinze jours chez lui, rue Saint-Guillaume, des jeunes gens désireux de se perfectionner dans la vie chrétienne. La première réunion de la Congrégation se tint le 2 février 1801 ; elle comprenait six étudians en médecine ou en droit ; à la fin de l’année 1804, les adhérens étaient près de deux cents. Aux étudians étaient venus se joindre des élèves de l’Ecole polytechnique et quelques représentans de la vieille noblesse : Mathieu de Montmorency[1], Béthune-Sully, Breteuil, Séguier, Alexis de Noailles. Les premiers congréganistes ne s’occupaient point de politique, mais bien de questions religieuses et morales. L’abbé Emery tenait ces laïques en si grande estime qu’il les invitait à fréquenter les séminaristes de Saint-Sulpice aux heures de récréations et de promenades.

L’épiscopat du cardinal de Belloy fut marqué par la venue du pape Pie VII à Paris. C’était la première fois que la population parisienne assistait à un pareil spectacle ; la curiosité et l’engouement général ne pouvaient donc pas faire défaut. Les

  1. Mathieu de Montmorency, — dont la conversion avait fait grand bruit, — était cité pour sa piété et son austérité. Quand il paraissait le dimanche dans le salon de sa belle-mère, la duchesse de Luynes, il semblait, au dire d’une contemporaine, un ange au milieu d’êtres frivoles.