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employer. Deux solutions furent proposées : la première consistait à dessécher le lac, la seconde à construire un second émissaire selon les règles de l’art.

Les partisans du dessèchement dressaient contre le lac un réquisitoire en règle ; ils l’accusaient de tous les crimes. A leurs yeux, le Trasimène n’était qu’un étang fangeux ou, plutôt, un marais dont les eaux stagnantes entretenaient la fièvre paludéenne à l’état endémique parmi les populations riveraines. Pour assainir la région, il convenait de supprimer la cause du mal, c’est-à-dire le lac lui-même. En le desséchant, on obtenait un second avantage, on livrait à la culture un contingent respectable de terres vierges. On devait répéter avec le Trasimène l’expérience du Fucin.

Ces argumens ne furent pas jugés péremptoires. On répondit en premier lieu que si fièvres il y avait, elles ne résultaient pas fatalement de la présence des eaux lacustres, mais des vices inhérens à un système hydraulique défectueux qui, en multipliant les alluvions, déposait sur le rivage d’innombrables germes de pestilence. C’était par conséquent le régime des eaux qu’il fallait perfectionner. On ajoutait que les terres cultivables encore incultes abondaient en Italie ; que, d’après des sondages pratiqués récemment, on avait constaté que le sol du lac était stérile et malsain ; que le bassin constituait pour les riverains une source de richesse, et pour l’Italie une sorte de monument national sur lequel on ne pouvait porter sans crime une main téméraire. Quant à l’exemple du Fucin, il se retournait contre les partisans du dessèchement, les habitans de la région ayant saisi récemment le gouvernement royal d’une pétition tendant à la reconstitution pure et simple du lac tel que Dieu l’avait fait.

Cette manière de voir obtint le suffrage des populations intéressées ; c’est elle qui triompha, grâce à l’énergie infatigable d’un homme de bien, M. Guido Pompilj. Ses efforts aboutirent d’abord à la constitution d’une société qui se proposait de construire à ses frais un second émissaire ; à force de ténacité, il finit par arracher à l’administration récalcitrante l’autorisation de commencer les travaux.

Le premier coup de pioche entama le sol, le 9 mars 1896. Le projet de l’ingénieur Cristiani, approuvé en haut lieu, prévoyait une galerie souterraine longue de près d’un kilomètre, suivie d’un canal à ciel ouvert de quinze kilomètres.