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Moulai-Hafid ne nous demandait pas autre chose, et il ne nous demande pas encore aujourd’hui autre chose que la neutralité ; nous ne l’avons pas observée ; nous avons attaqué les tribus hafidiennes, et nous nous montrons après coup extrêmement scandalisés de rencontrer au milieu d’elles la mehalla de Moulai-Hafid. Nous nous sommes créé par là bien des difficultés. Maintenant le mal est fait : il ne reste plus qu’à nous en tirer le mieux possible. En réponse aux questions qui lui ont été posées par M. Jaurès, M. le ministre des Affaires étrangères a prononcé une fois de plus de sages paroles, et M. le président du Conseil les a résumées et confirmées en termes qui ne laissent rien à désirer au double point de vue de la précision et de la fermeté : nous voudrions seulement trouver la même fermeté et la même précision dans les actes. Nous voudrions y trouver aussi la même mesure. Alors seulement nous pourrions nous associer au témoignage de confiance que le Sénat et la Chambre ont donné au gouvernement en termes identiques. Il ne faut d’ailleurs pas être trop sévère pour le gouvernement ; il est aux prises avec des difficultés qu’il n’a pas toutes fait naître, et dont la responsabilité ne lui appartient pas tout entière ; il y pourvoit comme il peut. Mais M. Clemenceau est particulièrement inexcusable lorsqu’il commet certaines fautes. Il les connaît bien en effet, et, s’il avait le loisir de relire ses vieux discours, il s’apercevrait qu’il les a condamnées autrefois chez les autres avec une éloquence sans pitié. Que deviendrait-il s’il trouvait en face de lui un autre Clemenceau ?


Nous avons dit un mot, il y a quinze jours, de l’affaire du chemin de fer de Novi-Bazar, et de l’émotion qu’elle avait produite en Russie. Cette émotion est loin d’être calmée, mais elle a pris un autre caractère. A la surprise et à l’irritation du premier moment a succédé le désir de trouver une compensation, qui aurait quelque peu l’air d’être une réplique. Quand nous parlons de surprise, le mot s’applique à l’opinion plutôt qu’au gouvernement russe. Elle ne savait rien des projets que nourrissait le baron d’Ærenthal, et elle a éprouvé en les apprenant comme une violente secousse. Pour ce qui est du gouvernement, on a tout de suite affirmé à Vienne qu’il avait été averti et que, dès lors, il ne pouvait pas se plaindre qu’on eût agi à son insu. Soit ; mais ne peut-il pas se plaindre d’autre chose ? Il paraît certain que le cabinet russe a effectivement été pressenti, mais qu’il a répondu tout de suite par une protestation devant laquelle on ne s’est pas arrêté à Vienne. S’il en est ainsi, le procédé autrichien n’en est pas meilleur.