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allemand, peut-être un rien hollandais. Plus modeste en outre, sans la robe à queue et l’aumônière d’autrefois, elle est mieux de sa race et de sa condition. De Faust aussi la silhouette a gagné beaucoup en véritable et nationale élégance. Il n’est pas jusqu’à sa coiffure, — le chaperon et même les cheveux, — qui ne donne un caractère intéressant à sa physionomie. Enfin Méphistophélès a paru le plus changé des trois. Il a passé du rouge au noir, presque tout entier et presque tout le temps. A la vérité, le maillot écarlate avait quelque chose de plutôt voyant, quelque chose à quoi l’on pouvait s’étonner que les passans ne prissent point garde. Maintenant, aussi foncé qu’il était clair, le diable va et vient, sans que rien puisse le faire reconnaître. Il paraît, aux yeux du moins, ce que le poète a dit de Faust : « Ein Mann wie andre mehr, un homme comme les autres. » A l’acte du Walpurgis seulement, chez lui et parmi les siens, il revêt, pour assister au Sabbat, une espèce de dalmatique à ramages, qui lui donne l’air moins de Satan que de Rothomago. Je regrette le grand manteau rouge, à longs plis, qui l’enveloppait de la tête aux pieds. Ailleurs même, une ou deux fois au moins, j’aurais aimé que le fantastique visible répondit au fantastique sonore, — lequel est rare, mais pourtant se rencontre, — et qu’on ne retranchât pas entièrement de l’aspect du personnage, la couleur infernale qui, par momens, teinte ou timbre sa voix.

Quant aux décors, ils ont tous été remplacés. L’ancien Brocken (paysage et costumes) avait plus de caractère que le nouveau. Le banquet d’abord, et la table même, y étaient mieux disposés. Les dames invitées y paraissaient plus à leur avantage. Et puis et surtout l’architecture, ou les ruines, y étaient d’un autre style : non point assyrien, persan, enfin vaguement oriental, mais hellénique, avec des colonnes brisées et couronnées de fleurs. Cette vision de la Grèce, à la fin du premier Faust, rappelait, ou plutôt annonçait un peu le second. L’épisode chorégraphique, le ballet « obligé, » trouvait ainsi, dans son aspect même, plus qu’une excuse, une raison, presque une valeur, non seulement de musique, mais de poésie.

C’est une erreur aussi, pittoresque et musicale, que la première apparition de Marguerite aux yeux de Faust encore vieux, et qu’elle va rajeunir. Dans un paysage insignifiant et placé trop haut, Gretchen, qui semble plutôt Jeanne d’Arc ou sainte Geneviève, est debout. Elle a tort. Il faut ici de toute nécessité qu’elle soit assise, et devant son rouet. Nécessité, ou pour le moins convenance plastique d’abord. Le rouet est devenu l’emblème de cette figure et doit en accompagner