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font payer aux Allemands leurs produits à un prix supérieur à celui auquel elles les vendent une fois exportés à l’étranger ne sont pas dans un état d’équilibre normal. La meilleure preuve en est que, si ce régime était général dans le monde, des concurrens se ruineraient réciproquement en se renvoyant d’une nation à l’autre les excédens de production, rejetés sur les marchés étrangers. Ce trop-plein de la production, promené de pays en pays, rappellerait les romanichels, que les gendarmes français reconduisent à la frontière belge et que les gendarmes belges ramènent à la frontière française, sans que jamais ces malheureux puissent trouver un abri. Les cartels et les syndicats tendent au monopole et au renchérissement- : on l’a bien vu en 1901, avant la conférence de Bruxelles, lorsque l’union des raffineurs allemands réussit à tripler l’écart entre le prix du sucre brut et celui du sucre raffiné et à augmenter ainsi dans une énorme proportion leur marge de bénéfice. Le syndicat des cokes, qui les vend, pris à pied d’œuvre, aux usiniers français de Meurthe-et-Moselle au même prix qu’à leurs concurrens allemands dédommage ceux-ci en leur accordant une bonification, qui s’élève actuellement à environ 12 pour 100, sur le prix de la fonte exportée par eux.

Il y a dans un état de choses semblable un élément artificiel qui tôt ou tard’ doit disparaître. Il a disparu pour les sucres. Ce même changement s’opérera-t-il dans d’autres domaines, par une transformation lente ? Ou bien au contraire une secousse violente, qui pourrait être douloureuse, sera-t-elle nécessaire ? Malgré l’erreur économique de laquelle procèdent les organisations de ce genre, nous devons reconnaître qu’elles présentent en Allemagne une telle solidité, que les associés en observent les prescriptions avec une telle discipline, qu’elles ont si habilement combiné le système de primes à l’exportation avec celui des limitations de production, que leur durée nous paraît assurée pour bien des années encore. Que des difficultés de trésorerie soient probables pour quelques sociétés ; que plusieurs d’entre elles aient peine à trouver immédiatement les ressources nécessaires pour terminer certains travaux en cours : cela n’a rien d’invraisemblable, mais ne met pas en péril l’avenir du pays.

Que seront les affaires au cours de 1908 et de 1909 ? Il est évident qu’elles se ralentiront : mais cette allure plus calme ne sera pas sans porter ses fruits ; la fièvre des fondations et des