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des reports et même des acquisitions de titres dans un pays où le rendement en était très supérieur à ce qu’il est chez nous. Cela se faisait assez couramment avant les derniers événemens marocains, l’intervention inattendue et quelque peu théâtrale de l’empereur Guillaume, et la conférence d’Algésiras. À ce moment, les chefs de nos établissemens de crédit jugèrent et le public sentit qu’en présence de complications possibles sur le terrain politique, ils n’avaient pas le droit d’employer dans une mesure aussi large que précédemment une partie de leurs capitaux en Allemagne, et ils les rapatrièrent. Une détente ayant paru se produire l’année dernière, ces opérations ont été reprises ; mais alors, ce furent des considérations économiques qui rendirent les Français circonspects : on redouta, dans certains milieux, de voir éclater des événemens graves et on diminua, dans beaucoup de cas même on supprima les crédits ouverts.

Le problème se présente sous deux aspects qu’il convient d’examiner séparément : l’emploi par les banquiers de leurs disponibilités et les placemens définitifs des particuliers. En ce qui concerne le premier point, les grands marchés financiers du monde sont aujourd’hui en communication si étroite, si constante, qu’une sorte d’endosmose des capitaux flottans se produit incessamment entre eux. Les avances et reports sur titres, l’escompte du papier commercial ou de bons du Trésor présentent chez les principales nations civilisées une telle sécurité, sont organisés avec une telle perfection, que, dès que le taux de ces opérations sur une place est supérieur à celui des autres, celles-ci ne tardent pas à y envoyer une partie de leurs fonds pour profiter de cet écart. Il va de soi que des précautions doivent être prises, que l’analyse des crédits personnels et réels, c’est-à-dire l’étude de la valeur des signatures des traites et la qualité des titres donnés en gage, doit être faite avec plus de soin encore lorsqu’il s’agit d’expatrier son capital que lorsqu’on l’emploie chez soi. Les questions de change jouent également un rôle, puisqu’il faut tenir compte des pertes possibles lors de la sortie ou du retour des sommes prêtées à l’étranger. Tous ces points sont familiers aux banquiers, qui sont sur la brèche et savent profiter des occasions avantageuses, tout en s’entourant des garanties nécessaires. Ils opèrent d’ailleurs en pleine liberté, sans que les gouvernemens ni les corporations chargées de veiller à la police des bourses aient à intervenir : des