Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vrai que cette liaison intime des deux facteurs a contribué efficacement à l’essor du pays. Une industrie gigantesque n’aurait pu se créer en un quart de siècle sans l’appui qu’elle a trouvé chez les financiers, sans une collaboration de chaque jour qui permettait aux directeurs des banques, responsables de l’emploi des capitaux de leurs actionnaires et de leurs déposans, de suivre pas à pas les travaux des mines, les constructions d’usines, l’organisation des débouchés, et la conclusion de traités entre les divers groupes. On sait l’importance capitale que ces ententes ont prise : l’Allemagne est la terre classique des cartels, c’est-à-dire des arrangemens entre industriels qui réglementent la production, en particulier du charbon, du coke, du fer et de l’acier : l’intervention des financiers dans ces négociations en a plus d’une fois assuré le succès.

L’examen de la situation des banques allemandes de crédit permet de comprendre ce qui s’est passé au cours de l’année dernière et d’expliquer le phénomène en apparence bizarre du commerce et de l’industrie prospérant, alors que les capitaux se raréfiaient et que les valeurs mobilières ne cessaient de baisser à la Bourse. Au moment même où forges, aciéries, houillères, publiaient des bilans réjouissans et distribuaient de gros dividendes, leurs bailleurs de fonds éprouvaient de vives inquiétudes et se demandaient, dans beaucoup de cas, comment ils continueraient à leur venir en aide. Quant au public qui avait acheté les actions de ces entreprises sur la connaissance ou dans l’attente des résultats brillans de leur activité, il n’avait pas, dans beaucoup de cas, les ressources nécessaires pour payer ce qu’il avait acheté, et il était obligé de se défaire à tout prix de valeurs d’un revenu satisfaisant, et qui, pour un capitaliste véritable, eussent constitué de bons emplois.

On ne saurait donner une idée complète du système de banque allemand sans parler des banques hypothécaires, qui ont pour mission de distribuer le crédit foncier, c’est-à-dire de faire des avances aux propriétaires d’immeubles urbains et ruraux. Leur rôle a été considérable, en particulier dans les villes, qui ont pris depuis 1870 un développement si rapide. L’Allemagne est le pays d’Europe qui possède le plus de grands centres : elle comptait, au 1er décembre 1905, 41 villes de plus de 100 000 habitans ; il a fallu construire sans relâche pour loger une population qui se multipliait et qui se groupait autour des