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parti a les siens. L’amiral Ferreira d’Amaral est un brave marin, qui n’a jamais fait de politique et qui s’en vante : le Roi ayant fait appel à son dévouement, il n’a pas pu se dérober. Nous n’avons garde de critiquer la composition de ce ministère : on ne pouvait évidemment pas en faire un autre après l’ostracisme prononcé contre M. Franco. Toutefois, il est bien évident que ce n’est là qu’un ministère de transition et d’attente, au sein duquel les partis se surveilleront jalousement jusqu’au jour où l’un des deux l’emportera sur l’autre : le Portugal retombera alors, au moins pour un temps, dans les erremens anciens. En attendant, les prisons s’ouvrent à deux battans, les décrets de la dictature sont rapportés en bloc, les journaux prennent leur revanche du silence qu’ils ont dû observer pendant quelques mois, et tous les partis se réconcilient ou semblent se réconcilier sur les débris, qu’ils piétinent, de la politique de dom Carlos. C’est une première satisfaction qu’ils se donnent : elle ne leur suffira pas toujours.

Manuel II commence donc son règne sous d’assez tristes auspices ; mais il n’y a pas lieu pour lui de se décourager. La situation n’était pas plus rassurante en Espagne après la mort d’Alphonse XII ; la Heine y attendait encore la naissance de son fils ; elle a dû ensuite gouverner auprès d’un berceau et prolonger sa régence pendant dix-huit ans. À Lisbonne, le Roi venait d’atteindre sa majorité quand il est monté sur le trône. Il vaut mieux pour elle que la reine Amélie n’ait pas à gouverner directement, sans renoncer d’ailleurs à exercer sur son fils l’influence que lui donneront sa tendresse, sa prudence et son bon sens. On ne saura que plus tard ce que vaudront ces facteurs nouveaux dans l’avenir du Portugal.


Nous avons déjà parlé de la question pendante devant le Sénat au sujet des périodes d’instruction militaire, — 28 et 13 jours, — dont la Chambre avait voté et dont le gouvernement proposait la diminution. On n’a pas oublié que la Commission sénatoriale de l’année s’était partagée en deux fractions à peu près égales, mais qu’une faible majorité s’y étant prononcée en faveur de la diminution, MM. de Freycinet et Mézières avaient donné leur démission de président et de vice-président. Cette démission de deux hommes dont le patriotisme éclairé était hors de doute, et la compétence militaire hors de pair, avait produit une de ces impressions très vives, mais, hélas ! fugitives, dont nos assemblées sont coutumières, peut-être, parce qu’elles sont faites à l’image du pays. On sentait bien, cependant, qu’il y avait quelque chose de très grave dans la réforme projetée, et la discussion