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qui convenait pour personnifier cette affreuse petite cérébrale de Berthe Planat.


En passant de Un divorce aux Deux hommes de M. Capus, nous ne quittons pas le genre philosophique. La pensée de la pièce tient dans un couplet fort joliment tourné, suivant l’ancienne mode, celle du couplet des pêches à quinze sous. M. Capus définit deux sortes d’hommes dont les uns sont destinés à l’emporter toujours dans la lutte pour la vie, et les autres à être les éternels vaincus. « Chaque époque a ses armes. Seulement, les uns savent les manier et les autres ne le savent pas. Les uns prennent sans effort, par un instinct naturel, le courant, les habitudes et la moralité de l’heure où ils vivent, et quand l’heure change ils changent comme elle ; tandis que les autres sont immobiles dans la foule toujours mouvante, et ils finissent par être piétines. Enfin, voyez-vous, il y a deux grandes catégories d’hommes civilisés : ceux qui s’adaptent exactement à leur époque et ne lui demandent que ce qu’elle peut donner, et c’est parmi ceux-là que la vie choisit les vainqueurs, car ce qu’on appelle la chance, c’est la faculté de s’adapter instantanément à l’imprévu. Et puis, il y a ceux qui ne s’adaptent pas, qu’ils soient nés trop tard ou trop tôt, qu’ils aient encore les idées d’hier ou qu’ils aient déjà celles de demain. Et ceux-là ce sont les vaincus… » Ainsi présentée l’idée paraît un peu trop simple. Cela aurait besoin d’être creusé. Mais que voilà une belle théorie et si commode pour un chacun ! Car tout le monde y trouve son compte, les coquins dont nous dirons désormais qu’ils sont plutôt les virtuoses de l’adaptation, et les imbéciles, les paresseux, les insociables, qui, de la triste condition de ratés, se trouvent soudain et magnifiquement métamorphosés en hommes de l’ancien temps.

Dans quelle mesure M. Capus prend-il pour son propre compte la théorie qu’il met dans la bouche de son « personnage sympathique » Marcel Delonge ? Cela est d’autant plus difficile à dire, que l’intrigue imaginée par l’auteur dramatique ne semble pas une démonstration très rigoureuse de la théorie proposée par le philosophe. Une honnête femme, Thérèse Champlin, se trouve placée entre deux hommes, son mari Paul Champlin, et son cavalier servant Marcel Delonge. Le mari est un arriviste. Avocat de province qui rêve du barreau de Paris, il n’a de cesse qu’il ne se soit fait présenter au financier Bridou, homme taré et grand brasseur d’affaires. Il en fait la connaissance dans le salon d’une certaine Jacqueline, femme d’une réputation déplorable. Bientôt il devient lamant de Jacqueline qui lui fait quitter