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leur œuvre, l’œuvre qu’ils ont entreprise sans droit, où ils se sont obstinés contre toute raison, et qui n’a échoué que devant la fermeté de la plupart des Tribunaux, des Cours, et de la Cour de cassation. Toutefois il est, au-dessus d’eux, d’autres responsabilités, politiques, administratives. Ils ont poursuivi ce dessein qui — dénaturait la loi — de défendre à tout prix et de conserver intact le patrimoine des congrégations ; mais c’est qu’on avait dit et répété que ce patrimoine valait un milliard, c’est qu’on avait dit et répété que l’Etat devait s’en rendre maître. Ils voulaient réserver de l’argent, le plus d’argent possible, pour l’Etat. On aperçoit ici, dans des effets peut-être imprévus, mais à coup sûr déplorables, la faute qui consiste à créer le mirage du Milliard, la faute qui consiste à confisquer les biens des congrégations. Ces fautes n’entraînent que des responsabilités politiques, il est vrai ; il importe du moins que chacun les voie clairement. Il y a enfin des responsabilités administratives. M. Briand a dit, le 8 février, devant la Commission d’enquête, que les liquidateurs, nommés par jugement, ne relevaient que du tribunal qui les avait désignés. C’est une explication inadmissible. Il est inadmissible qu’une entreprise aussi grave, aussi considérable que celle de la liquidation, se soit engagée, développée, sans que la Chancellerie s’en occupât pour lui imposer soit une surveillance, soit des indications. Elle en avait le droit et le devoir doublement, parce qu’elle a pour mission de veiller à la bonne administration de la justice, parce qu’elle avait à s’inquiéter des intérêts de l’État, bénéficiaire de l’actif, qui aurait profité de toutes ces luttes judiciaires si elles avaient autrement tourné. Ceux qui avaient le droit de parler au nom de l’État ont-ils dirigé les liquidateurs ? Les ont-ils laissés faire ? De toutes manières, représentant à la fois l’autorité, le contrôle et l’intérêt, ils sont les vrais coupables.


Louis DELZONS.