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fournis. Dans le cas du Crédit foncier, on n’en pouvait douter.

Cette besogne de vérification accomplie, avec, si l’on veut, les exigences les plus minutieuses, que restait-il à faire ? Le bon sens, la bonne foi répondent qu’il restait à payer. C’est ce qu’auraient fait les liquidateurs sans doute, s’ils n’avaient eu d’autre souci que d’exécuter la loi et d’assurer la dispersion des biens. Mais ils voulaient retenir l’argent des congrégations ; pour y parvenir, ils ont tenté une entreprise qui, si elle avait réussi, aurait en effet singulièrement grossi « la masse » de leur liquidation. En face de tous ces créanciers, fournisseurs, prêteurs ordinaires, prêteurs hypothécaires, ils ont tenté de faire juger que les congrégations n’avaient point, n’avaient jamais pu avoir de créanciers.

La hardiesse en soi est déjà surprenante ; il semble audacieux de dire à des marchands qui ont fait des fournitures, à des prêteurs qui ont donné leur argent : « Nous avons de quoi vous payer, mais nous ne vous paierons pas. » L’audace, pourtant, dépassait de beaucoup cette mesure, car, dans la jurisprudence comme dans les travaux préparatoires et dans la loi même les liquidateurs trouvaient cette règle d’équité qu’on pourrait dire vulgaire : « Les créanciers d’une congrégation non autorisée doivent être payés. » Dès avant la loi de 1901, la question s’était posée. En 1857, la Cour d’Orléans avait condamné le supérieur et les membres de la congrégation de Picpus, non autorisée, à restituer aux héritiers d’une demoiselle Boulnois une somme de 350 000 francs qu’ils avaient reçue d’elle. Sur pourvoi, la Cour de cassation décidait le 30 décembre 1857, « qu’une communauté religieuse non autorisée, si elle n’a pas d’existence légale et si elle ne présente aucun des caractères d’une personne civile véritable, constitue cependant entre ceux qui ont concouru à sa formation une Société de fait nécessairement responsable, vis-à-vis des tiers, des engagemens par elle pris, soit que ces engagemens résultent de contrats ou de quasi-contrats, soit, à plus forte raison, qu’ils dérivent de délits ou de quasi-délits ; que cette responsabilité, surtout dans ce dernier cas, est basée moins encore sur les principes du contrat de société, que sur les règles ordinaires de l’imputabilité légale et morale ;… qu’autrement la communauté non autorisée… obtiendrait… des immunités à bon droit refusées aux Sociétés régulièrement organisées ou aux communautés religieuses reconnues ;… qu’un privilège aussi