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d’entendre à ce sujet les explications de M. Combes qui était président du Conseil quand les liquidations furent mises en train. En tout cas, ce dessein de diminuer aussi peu que possible le patrimoine des congrégations explique seul la résistance aux réclamations les plus légitimes. Ce n’est plus la loi, c’est encore moins le droit commun qui règlent l’exécution. C’est le désir de garder l’argent. C’est avec ce désir qu’on interprète les textes, sans souci des travaux préparatoires et en usant d’une subtilité abstraite qui évoque le souvenir des pires légistes. Cette manière s’est révélée à l’encontre du congréganiste. Mais c’est contre les créanciers de la congrégation qu’elle est apparue dans toute son expansion et qu’elle a donné tous ses effets.


IV

Quand le vote de la Chambre, au commencement de 1903, frappa de mort les congrégations, elles vivaient une existence illégale, mais connue et tolérée.

Quelques-unes, les plus habiles, méfiantes depuis longtemps, n’avaient rien à elles, ne possédaient rien ni par elles-mêmes, ni par des prête-noms : c’est comme locataires, comme employés de personnes ou de Sociétés entièrement laïques, que leurs membres avaient fondé des établissemens. D’autres, pour couvrir leur irrégularité, agissaient par un prête-nom qui était soit un congréganiste, soit une Société composée en tout ou en partie de congréganistes. D’autres enfin, confiantes dans cette longue tolérance qui les laissait naître, croître, essaimer, n’avaient même pas cherché à tourner la défense du Code pénal, puisque cette défense semblait oubliée par l’Etat ; et elles se manifestaient dans leurs actes telles qu’elles étaient, leur supérieur agissant pour elles comme dans une congrégation autorisée et régulière. Ce n’est pas une des moindres injustices de la loi de 1901 d’avoir frappé ces ordres qui ne s’étaient pas mis en garde contre elle, plus durement que ceux qui avaient de longue date manœuvré pour rester indemnes. Quoi qu’il en soit, à l’heure où la loi a été mise en mouvement, toutes ces congrégations vivaient. Elles vivaient de la vie matérielle d’abord. Religieux et religieuses devaient manger, se vêtir, se chauffer : les congrégations engageaient des dépenses chez le boulanger, le boucher, l’épicier, des dépenses de vêtement et de chauffage. Tout à coup leur vie