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mais toutes les autres cours, Nancy, Riom, Dijon, le repoussèrent. Le texte de la loi sur les pensions indique clairement que ce sont des pensions alimentaires, des secours aux congréganistes indigens, qui n’ont donc rien à voir avec l’application du droit commun, la résolution du bail à nourriture, la restitution d’un prix d’entretien dont la contre-partie n’est plus fournie. Les travaux préparatoires d’ailleurs sont en ce sens ; M. Trarieux, à qui on doit le paragraphe relatif aux pensions, a dit, en termes aussi nets que possible, qu’il voulait aider les congréganistes dont les moyens d’existence ne seraient pas assurés[1]. Après les Cours d’appel, la Cour de cassation s’est prononcée à son tour pour le droit commun, pour la restitution des dots moniales. Son premier arrêt en ce sens est du 13 mars 1907.

Ainsi, toutes les fois que le congréganiste se présente à la liquidation comme citoyen, comme particulier, soit pour réclamer les droits que la loi de 1901 lui a reconnus formellement en cette qualité, soit pour faire valoir ceux qu’il tient de la loi commune, il se heurte à une résistance obstinée. Il faut qu’il plaide pour ses biens personnels, apports, succession, dons ou legs en ligne directe, qu’il plaide pour sa dot moniale ; et jusqu’en cassation, c’est-à-dire avec les lenteurs et les frais que comporte cette procédure. Est-ce là l’exécution régulière, intelligente, raisonnable des lois de 1901 et de 1904 ? Évidemment non. Ici, outre la confusion initiale entre la congrégation et les individus, outre l’erreur inexcusable de traiter ceux-ci avec la rigueur réservée à celle-là, il apparaît que les liquidateurs ont été guidés par un souci singulier.

Au lieu de disperser le patrimoine des congrégations, ils semblent n’avoir eu d’autre désir que de le maintenir intact. C’est qu’en effet si la loi prescrit, pour anéantir les congrégations, la dispersion de leurs biens, elle dispose ensuite que l’actif net sera réparti entre les ayans droit, c’est-à-dire que, faute d’ayans droit, il appartiendra à l’Etat. Défendre les biens contre toute revendication, accroître autant que possible l’actif net, c’était donc grossir le profit de l’« ayant droit. » Les liquidateurs s’y sont employés de leur mieux. Cette idée leur est-elle venue d’elle-même ? La leur a-t-on suggérée ? Il serait intéressant

  1. De même, le règlement d’administration publique du 17 juin 1905, qui suivit la loi du 7 juillet 1904, précisa que les pensions n’ont d’autre raison que l’indigence des bénéficiaires.