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ajouter, et de tels procès ne furent-ils pas aussi vexatoires qu’inutiles ?

Pour la même catégorie de biens, cet esprit de rigueur étroite qui dénature la loi s’est exercé, d’une autre manière, aux dépens du congréganiste. Il avait droit ici à la restitution. Aucune présomption ne pesait sur lui. Relativement à ces biens, la loi le considérait comme un citoyen. La loi, oui, mais non le liquidateur, qui ne cesse de voir en lui le congréganiste, le prête-nom de la congrégation. D’étranges procès résultent de cette confusion. Voici une circonstance fréquente : un religieux, une religieuse, appartenant à une famille riche, d’humeur sans doute indépendante et autoritaire, passent quelque temps dans une congrégation, puis obtiennent des pouvoirs ecclésiastiques de quitter leur ordre, soit pour entrer dans un autre, soit pour en fonder un nouveau dont il arrive qu’ils deviennent les supérieurs. C’est leur fortune qui a servi à cette fondation ou qu’ils ont apportée dans leur nouvelle congrégation. De toute évidence, ils en étaient propriétaires avant leur entrée : ils ont donc droit à la restitution. On la leur conteste, on la leur refuse : on plaide contre eux tous moyens. Mme D…, ayant ainsi quitté la congrégation des dominicaines de P… pour en fonder une autre, se voit opposer que sa fortune personnelle appartient à l’un ou à l’autre de ces ordres. Il faut une décision de justice pour répondre que Mme D… n’a pas été le prête-nom du premier, puisqu’elle lui a retiré ses biens, et qu’elle ne l’est pas non plus du second, puisque la loi elle-même reconnaît au congréganiste la propriété de ses apports… L’abbé M… quitte la congrégation des Pères du Saint-Sacrement, en 1888, pour entrer, en 1891, dans celle des Bernardins. En 1889, il acquiert le pavillon du Pont-Colbert où il fait d’importans travaux ; pour le prix d’achat et les travaux, sa mère lui ouvre un crédit de 500 000 francs. Aujourd’hui, il réclame la restitution de son immeuble : c’était un apport. Que lui répond-on ? D’abord qu’il a été en 1889 personne interposée de la congrégation. « Mais en 1889, je ne faisais partie d’aucun ordre : j’étais un citoyen : j’en garde tous les droits ; la loi le dit. » Eh bien ! ils étaient, lui et sa mère, personnes interposées d’un inconnu présumé incapable… Il faut qu’une Cour d’appel entende soutenir cette prétention. Il est vrai que cela se passe à Nîmes. La Cour répond que « cette assertion ne constitue qu’une hypothèse gratuite qui n’est assortie d’aucun