Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/875

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fixée, l’attention se détournait. Elle est aujourd’hui, dans le Parlement, dans la Presse, dans le public, excitée de nouveau. Elle l’est par l’aventure fantastique du milliard, et le Sénat là-dessus a manifesté énergiquement sa volonté d’y voir clair. C’est à coup sûr le moment de voir aussi ce que fut l’exécution des deux lois qui frappèrent successivement, en 1901 les congrégations non autorisées, puis, en 1904, les congrégations enseignantes.

Les congrégations, on l’a dit avec raison, furent des victimes de l’Affaire. En 1899, la loi de dessaisissement venait d’être votée. Waldeck-Rousseau, qui l’avait combattue au Sénat, s’en montrait non pas seulement irrité, mais exaspéré. Au Palais, dans les embrasures de la Galerie marchande, dans le vestibule de la première Chambre de la Cour où il causait volontiers enfumant durant les suspensions, il parlait de la bataille alors si violente avec une amertume plus froide que d’ordinaire. Il dit un jour à un de ses confrères, curieux de son opinion : « Il faut s’attendre à tout, puisque ce sont les Jésuites qui inspirent et mènent cette campagne ! » En cette forme, l’affirmation paraissait comporter des réserves. Il répondit simplement : « Regardez autour de vous ; entre tous ceux qui luttent contre la révision, vous reconnaîtrez le lien d’un même esprit, de leur esprit à eux. » Il parlait avec une telle conviction qu’il était inutile d’insister. « D’ailleurs, ajouta-t-il, outre le rôle néfaste que ces gens-là jouent à cette heure, les dangers de l’envahissement congréganiste sont tels aujourd’hui, et l’extension de la mainmorte immobilière si formidable, qu’un gouvernement soucieux de gouverner ne devrait pas avoir de plus pressant souci que de régler le sort et la condition juridique des congrégations. — Régler ? comment l’entendez-vous ? — D’une part, assurer par le seul moyen efficace, c’est-à-dire par la dispersion des biens, la dispersion des congrégations politiques qui sont un danger pour la République ; d’autre part, établir un statut qui permettra de donner aux congrégations exclusivement religieuses une existence légale, au lieu de la vie juridique incertaine qu’elles ont à présent. » Quelques mois plus tard, Waldeck-Rousseau était président du Conseil. Le 14 octobre 1900, il lançait dans le discours de Toulouse le mot du milliard. En 1901, il faisait voter la loi sur les congrégations. Si j’ai cité les propos qu’il tenait en 1899, dans une conversation familière du Palais, c’est qu’on peut y trouver