Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grâce à lui, tu survis, car sa façade blanche
Montre en disques luisans, dans son marbre qui penche,
Le porphyre vineux et le vert serpentin,

Et l’on peut lire encor l’inscription latine
Par laquelle tu dédias son seuil marin
Au génie ondoyant de la ville marine.


JOUR DE VENT


Ce soir, le rude vent qui souffle de la mer
Est un passant bourru qui brusquement vous frôle ;
L’eau du canal s’irrite, et la lagune au môle
Pousse son onde forte et son flot plus amer.

Tout gronde, vibre, tremble, en ce fracas de l’air ;
La masure s’appuie au palais qui l’épaule,
Car l’antique Borée, échappé de sa geôle,
Gonfle l’Adriatique où le vaisseau se perd.

Jadis, quand l’ouragan hurlait à pleine bouche,
Ton Lion, ô Saint-Marc, anxieux et farouche,
Interrogeait les flots, de son regard d’airain,

Mais qu’importe, aujourd’hui, leur calme ou leur colère,
Venise n’attend plus à l’horizon marin
Le retour écumeux de ses rouges galères !


LA BELLE ALDA


Alda ta belhi e galanta.
(Vieille faïence italienne.)

Mon visage charmant, tendre et mélancolique,
Pour vous, je l’ai fait peindre, en toute la beauté
De son jeune printemps qui n’aura pas d’été,
En couleur, au fond d’un grand plat de majolique.

Lorsque je serai morte, — ainsi que vous l’indique
Le parchemin qui vous dira ma volonté, —
Placez-y, grappe à grappe, un raisin velouté,
L’amande souvent double et la grenade unique.