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l’intérêt public ; elles se heurtèrent longtemps aux habitudes invétérées des paysans et des communes qui se croyaient libres d’user et d’abuser de leur droit de propriétaires, coupant, incendiant sans contrôle et sans mesure dans les forêts. Peu à peu cependant on réussit, par persuasion ou par contrainte, à venir à bout de ces déplorables erremens. Un cadastre forestier fut dressé : les propriétés de l’Etat, celles des communes et celles des particuliers furent soigneusement séparées et délimitées, les droits des paysans fixés et surveillés. On commença à créer autour des villages des pépinières de jeunes arbres, que l’on planta ensuite sur les routes, autour des bourgs ou dans les endroits les plus dénudés. Des lois de 1897 et de 1904 ont achevé d’établir le code forestier ; le salut des bois de la Bulgarie et même leur renaissance est aujourd’hui assuré. Des inspecteurs français ont été appelés pour diriger le travail d’aménagement et d’exploitation rationnelle et pour former un personnel indigène. Les forêts sont une grande richesse pour la Bulgarie ; elles couvrent 3 041 324 hectares, dont 902 000 appartiennent à l’Etat, 1 million et demi aux communes et le reste aux particuliers. Le pays exporte, par ses ports de la Mer-Noire ou du Danube, des bois durs ou flexibles, à l’état brut ou ouvragé : la Turquie, entièrement déboisée, est le meilleur acheteur.

L’Etat bulgare a donc eu le mérite de comprendre quelles étaient les sources principales de sa prospérité ; il s’est appliqué à défendre et à développer la classe des paysans et les industries rurales. Peu de pays ont une législation agraire plus complète et mieux adaptée à ses besoins, un système de crédit mieux organisé.

Le paysan bulgare, pour cultiver sa terre, a besoin de main-d’œuvre ; il a intérêt à avoir beaucoup d’enfans ; il se marie de bonne heure et souvent, à quarante ans, il est grand-père : aussi l’augmentation de la population est-elle très rapide. La Bulgarie dépasse aujourd’hui 4 millions d’habitans (3 744 283 en 1900) ; en 1887, après l’annexion de la Roumélie orientale, la population n’était que de 3 154 000. L’excédent des naissances sur les décès dépasse annuellement une moyenne de près de 60 000. — Malgré l’émigration d’un grand nombre de musulmans, malgré le départ, lors des troubles de l’année dernière, de plusieurs milliers de Grecs, la population n’a pas cessé de s’accroître ; elle a remplacé les par tans ; elle fait déjà tache d’huile sur les pays