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rapports avec tous, tel a été son programme. Il lui était plus facile qu’à certains autres États, la Serbie par exemple, de le mettre en pratique, parce qu’elle a le bonheur de n’être en contact immédiat avec aucune des grandes puissances ; elle ne touche qu’à la Turquie, à la Roumanie et à la Serbie. On a parfois représenté la politique du prince Ferdinand comme ondoyante et tortueuse ; il eût été plus équitable de constater que la situation politique de la Bulgarie l’oblige à une perpétuelle tactique d’adaptation et d’équilibre. Il lui faut prendre sa place dans la vie générale de l’Europe tout en y poursuivant, de combinaison en combinaison, ses fins particulières. Épier, dans la politique européenne, les circonstances propices, canaliser les dispositions favorables afin d’en tirer un avantage pour les intérêts bulgares : telle est la méthode ; elle exige, pour être utilement appliquée, un tact toujours en éveil et un constant esprit de suite. Dans la politique du prince Ferdinand, ce qui varie, ce sont les aspects extérieurs, les moyens ; ce qui est permanent, c’est la méthode et le but. Durant toute la première période de son règne, le prince cherche à obtenir la reconnaissance de sa dynastie par les puissances : c’est dans un groupement nouveau des grands États, l’alliance franco-russe, qu’il en trouve le moyen, et ce sont des complications orientales, les troubles d’Arménie, qui lui en offrent l’occasion. Le prince fait valoir, en cette circonstance où une crise générale de la question d’Orient menaçait de mettre en feu l’Europe, le prix de son abstention. A partir de 1896, la politique bulgare s’oriente vers la Russie ; les cabinets Stoïloff et, plus tard, Daneff marquent nettement cette tendance.

Dès 1902, l’agitation macédonienne vient compliquer la politique du prince. Le troisième tronçon de la nationalité bulgare, à son tour, mobilise ses forces ; des bandes, formées sur le territoire de la Principauté, passent la frontière ; des officiers se mettent à la tête de l’insurrection. On peut croire, en 1903, que la guerre est inévitable ; une grande partie de l’opinion bulgare, très surexcitée, y pousse. Mais le prince sait mieux que personne et l’insuffisance de ses forces et la volonté des cabinets européens de maintenir la paix : il ne renouvellera pas la faute qu’a commise la Grèce en 1897 ; il donne à la tranquillité du monde un gage de sa bonne volonté et de la sagesse de son pays ; il appelle au ministère M. Daneff qui dissout les Comités et fait son procès à Sarafoff. A Constantinople, M. Natchevitch est