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demanderaient naturellement à en contrôler l’emploi. La garantie des puissances garantes conduirait à l’internationalisation du Maroc, que nous avons toujours combattue ; celle de la France seule conduirait pour elle à la prise en charge du Maroc, dont nous ne voulons pas davantage. Mais il est inutile de montrer les inconvéniens d’un emprunt qui est devenu, au moins pour le moment, impossible. La conclusion de M. Ribot a été conforme à la nôtre : conserver nos positions au Maroc, ne pas les étendre sans une nécessité absolue, limiter cette nécessité aux obligations que nous impose l’Acte d’Algésiras, y appliquer des moyens que les circonstances ont rendus différens de ceux que cet Acte avait prévus, ne pas nous immiscer dans les affaires intérieures : rien de moins, mais rien de plus.

On le voit, cette discussion aura été utile. Il faut remercier les auteurs des interpellations, peut-être même M. Jaurès, qui, par les exagérations de sa thèse, produit généralement sur son auditoire l’effet opposé à celui qu’il se propose. Que les temps sont changés ! Il conduisait autrefois le gouvernement et la Chambre : il n’a plus maintenant avec lui qu’une cinquantaine de socialistes. Il lui reste, à la vérité, l’admiration débordante de la presse allemande, qui voit en lui l’incarnation même du patriotisme et du bon sens. Nous sommes loin de faire fi de l’opinion allemande ; elle vaut presque toujours la peine d’être consultée, mais elle est si bruyante, si enthousiaste, si unanime que, dans le cas actuel, à la place de M. Jaurès, nous nous en défierions un peu.


FRANCIS CHARMES.


P.-S. — Le gouvernement, comme il fallait s’y attendre, — et le désirer, — a obtenu une fois de plus la confiance de la Chambre après les explications qu’il lui a données. Sa majorité a été de 433 voix contre 53. La discussion a rempli trois séances. Dans la seconde, MM. Raiberti, Paul Deschanel, Dubief, Delafosse, tout, en se plaçant à des points de vue un peu divers, ont conclu uniformément que nous n’avions pas à prendre parti dans les querelles de famille du Maroc, et que notre tâche devait se borner à remplir le mandat qui nous avait été confié à Algésiras. Quant à répudier ce mandat, à abandonner la partie, à nous en aller du Maroc, il ne pouvait pas en être question. M. Deschanel, en particulier, a insisté avec force sur les conséquences qu’aurait en Algérie une politique d’abdication et de désertion. Le sentiment de la Chambre était trop évident pour que M. Pichon ne