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d’émouvoir. Elles sont belles surtout d’avoir été tant aimées. J’avoue que la sainte Marthe de l’église de la Madeleine à Troyes, si admirable qu’elle soit, m’a semblé plus belle quand j’ai su qu’elle avait été donnée à l’église par une confrérie de servantes[1]. C’est à elle que s’adressèrent pendant tant d’années, aux messes matinales, des prières, moins magnifiques sans doute, mais pareilles pour le fond à celles que le grand poète a écrites pour la parfaite servante : « Nous nous attachons au foyer, à l’arbre, au puits, au chien de la cour, et le foyer, l’arbre, le puits, le chien nous sont enlevés quand il plaît à nos maîtres… Mon Dieu, faites-moi la grâce de trouver la servitude douce et de l’accepter sans murmure, comme la condition que vous avez imposée à tous en nous envoyant dans ce monde[2]. »

Les confréries ne se contentaient pas de faire construire des chapelles et de demander aux artistes des vitraux, des tableaux et des statues ; on découvre de temps en temps qu’un beau candélabre, un ornement d’autel, une paix, un émail, une boîte ciselée pour les aumônes, un manuscrit orné de miniatures ont appartenu à des confréries. C’est donc à peine si nous commençons à entrevoir les influences de toute sorte que les confréries ont exercées sur les arts à la fin du moyen âge.

J’en aperçois une qui n’a jamais encore été signalée. En organisant des processions, des tableaux vivans, des représentations dramatiques, les confréries proposèrent sans cesse des modèles aux artistes. Il y avait, à Vire, une confrérie qui, le jour de la procession de la Fête-Dieu, devait escorter l’ostensoir. Douze frères marchaient derrière le dais, vêtus du costume traditionnel des apôtres, nu-pieds, les instrumens de leur martyre à la main[3]. Une confrérie toute semblable existait à Châlons-sur-Marne. Les confrères de Châlons, fiers de jouer un si beau rôle, voulurent laisser un souvenir durable de la procession du Saint-Sacrement. Ils donnèrent donc à l’église Saint-Alpin un vitrail divisé en plusieurs compartimens[4]. Dans le haut, on voit deux scènes eucharistiques : la chute de la manne ut le dernier repas

  1. Grosley, Mém. hist., tome II, p. 320. Je ne vois pas de raison de douter que notre sainte Marthe ne soit celle dont parle Grosley. Sainte Marthe, symbole de la vie active, était la patronne naturelle des servantes.
  2. Lamartine, Geneviève.
  3. Bulletin historique et philologique, 1894.
  4. Il est au pourtour du chœur (commencement du XVIe siècle).