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d’arbalétriers et d’arquebusiers. Ces hommes de guerre s’assemblaient sous le patronage d’un martyr et d’une vierge. Les archers et les arbalétriers avaient sur leur bannière saint Sébastien, les arquebusiers sainte Barbe. Le génie religieux du moyen âge avait marqué ces institutions de son empreinte. Dans le règlement de la confrérie dés arbalétriers de Senlis, l’arbalète est comparée à la croix de Jésus-Christ. Souvent le nouveau frère jurait de ne pas blasphémer et de ne jamais invoquer le diable. Les confrères toutefois n’entendaient pas ressembler à des moines. Ils avaient un naïf amour des couleurs éclatantes, des parades, des fanfares et de la gloire. Le jour de la Saint-Sébastien on allait, en magnifique cortège, tirer le papegai sur le pré. Celui qui abattait l’oiseau était proclamé roi ; l’abattait-on trois années de suite, on devenait empereur. Le soir, on dînait aux frais de la ville.

On aurait tort de sourire et de croire qu’il s’agissait là d’innocentes réunions d’archers de Bagnolet. Nos vieilles confréries d’archers, surtout dans les provinces militaires de l’Est, furent souvent héroïques. En 1418, les confréries ou, comme on disait, « les sermens » d’Amiens, de Lille, de Douai et d’Arras marchèrent au secours de Rouen assiégé par les Anglais. En 1423, le serment de Noyon assiégea Compiègne avec Charles VI. Les confrères d’Abbeville prirent part aux batailles de la guerre de Cent ans. Mais la plus vaillante confrérie d’archers fut sans doute celle de Saint-Quentin. En 1557, ils défendirent la ville contre les Espagnols et se firent tuer presque jusqu’au dernier sur le rempart de la porte de l’Isle[1]. Les fières inscriptions qui se lisaient sur les bannières des confréries n’étaient donc pas mensongères. Ceux de Saint-Quentin auraient eu le droit d’inscrire sur leur étendard la, magnifique devise du drapeau des archers de Senlis : Florescet sartis innumerabilibus. « On lui mettra tant de pièces qu’il aura l’air d’un champ de fleurs. » On regrette que nos vieux arquebusiers ne se soient pas fait peindre comme les vaillantes corporations de la Hollande, après les grandes guerres : ils le méritèrent plus d’une fois[2].

Quant aux confréries de métiers, elles sont si connues qu’il

  1. A. Janvier, Notice sur les anciennes corporations d’archers et d’arbalétriers des villes de Picardie, Amiens, 1855.
  2. Les archers de Châlons-sur-Marne avaient pourtant fait faire un tableau représentant la victoire qu’ils avaient remportée en 1431, près de Châlons, sur les Anglais et les Bourguignons. Sellier, Notices sur les compagnies d’archers… de Châlons-sur-Marne, Châlons, 1857.