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doucement, entourée de ses adorateurs, qui lui disaient en prose et en vers :


Vis donc heureuse,
Et vis longtemps, nymphe adorée.


Elle ne devait point réaliser ces espérances. Elle était devenue impotente ; sa poitrine épuisée lui rendait la parole difficile, et elle passait des après-dînées silencieuses à jouer au quadrille avec des amis fidèles. Plusieurs fois, on la crut mourante. Elle mourut enfin le 4 décembre 1749 et fut enterrée à Saint-Eustache. Il y a, dit-on, de dévotes vieilles filles qui laissent leur fortune à leur directeur. Pour elle, c’est à son médecin qu’elle se confessait ; et ses neveux en furent pour leurs espérances. La malignité parisienne lui réserva des oraisons funèbres peu tendres, mais courtes : on commençait déjà à l’oublier. « Puisse-t-elle être au ciel, écrivit Benoît XIV au cardinal de Tencin ; elle parlait avec tant d’avantage de Notre modeste personne ! » Et l’excellent pape, qui désirait garder le contact avec la vie parisienne, prenait soin d’ajouter : « Souvenez-vous que la bonne défunte nous envoyait les petits almanachs de Paris. » Le cardinal continua à envoyer les almanachs. Mais, l’enterrement fini, comme un écolier qui court les champs dès que sa gouvernante l’a quitté, il abandonna au plus vite le Conseil et la Cour, et s’en fut, évêque pieux, résider dans son diocèse. Il y fit une fin décente, presque digne.


MAURICE MASSON.