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brahmaniste garde au sommet de son crâne rasé, en mémoire, sans doute, de cette longue tresse qui entourait la protubérance coronale du Boudha.

Vous entendez au surplus que de son koudoumi l’Hindou néophyte n’avait pas consenti le sacrifice gratuit. Une assez belle somme lui fut comptée, avant le passage des ciseaux. Mais, peu de temps après cette édifiante cérémonie, l’évêque apprit que l’homme au koudoumi, apostat et relaps, était retourné à la pourriture première de Çiva et de Vichnou, et que ses brahmes avaient consenti à le réintégrer dans sa caste. Le fallacieux apostat ne craignait même pas de se moquer, publiquement, du bon tour qu’il avait joué au missionnaire.

Celui-ci prit la plaisanterie de travers. Un pareil scandale était de ceux qui peuvent ruiner l’autorité de toutes les missions d’un district. Les magistrats décideraient. A la loi d’apprendre aux populations du Carnate qu’on ne s’enrôlait pas, pour quelques jours seulement, sous la bannière biblique. Si on s’engageait, il fallait demeurer, ou bien rendre l’argent. Les propagandistes ne paraissent point accessibles à la crainte du ridicule. Forts de leur droit, ils estiment que les affaires divines se règlent devant les tribunaux tout comme celles des hommes. D’ailleurs, un magistrat anglais ne pouvait moins que sanctionner ce rappel à l’honnêteté et à la morale par un verdict de dernière sévérité.

Mais les arrêts de la justice humaine vont souvent contre nos désirs les plus légitimes. Un argument captieux de la défense paralysa certainement les bonnes dispositions du magistrat anglo-saxon. L’avocat de l’Hindou renégat posa la question sur le terrain mercantile le plus vulgaire : « Si les évêques ont donné un tel retentissement à l’ablation du koudoumi de cet homme, s’ils lui ont compté une somme assez forte, c’est qu’ils attachaient une grosse valeur à son koudoumi. Ils ont acheté le koudoumi pour se donner le plaisir d’en disperser les crins aux quatre vents du ciel. Rien n’est plus vrai. Aujourd’hui, résiliant le marché, ils réclament à cet Hindou l’argent versé. Nous acceptons de rendre l’argent. Mais qu’on nous rende notre koudoumi. » Ainsi, l’évêque perdit son procès. Ne faites point de commentaires. Je vous donne l’histoire telle qu’elle me fut contée. En son temps, elle défraya les gazettes de l’Inde.

La pauvreté des missions catholiques ne leur permettrait pas d’acheter de conversions à si haut prix. Malgré la pauvreté, les