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lat, colonne cylindrique destinée à porter une lampe, par un sanctuaire ruiné et un petit kiosque à hautes colonnes octogones.

La cime du Ghandraja Dourgan est donc l’observatoire le plus favorable à qui désire voir Genji à vol d’oiseau. Le spectacle est d’une qualité rare. Pour le reste, la montagne du Sud n’offre rien à l’artiste et à l’archéologue qui puisse retenir l’attention. Je n’ai pu retrouver les traces des fresques jadis signalées par Esquer. Quant aux rares sculptures des piliers du mandapam hindou, elles sont à ce point frustes qu’on n’en saurait exactement définir la nature non plus que les attributs. C’est pourquoi je suis redescendu aussi vite que le soleil me le permit, et j’ai rejoint le Père Authemard dans sa mission de Krichnapouram.


Genji, 19 septembre 1901.

Le R. P. Authemard vaut qu’on en parle. Je rencontrai ce Père des Missions étrangères sur le Radjah Ghiri où il me poursuivait avec quelques serviteurs de choix portant une bouteille de lait et un flacon de quinine. Le Père Authemard avait appris par la renommée qu’un Français malade parcourait les ruines. Aussitôt il était accouru avec du monde et des remèdes. Il me saisit d’office, corps et biens, apostoliquement ; il dirigea le déménagement de mon camp et ne me rendit la liberté que lorsque j’eus dressé mon lit pliant sous son toit. Si je me rendis à pied chez le Père, ce ne fut point de sa faute. Mais la petite jument du bon missionnaire pliait sous mon poids. Il fallut se rendre à l’évidence et je gagnai Krichnapouram en me promenant.

Il me rappelle à lui seul, ce Père Authemard, tous les missionnaires de l’Inde. Les voilà bien, ces soldats du Christ, avec leur barbe de fleuve et leurs yeux d’enfant. Simples, réfléchis, hospitaliers, ils sont violens et audacieux dans le bien. Ils savent tout du pays qu’ils habitent, et la langue et les mœurs, et les convenances qu’ils observent, et les dangers qu’ils comptent pour rien. Providence du voyageur, ils jalonnent les chemins perdus des districts les plus sauvages. L’homme frugal et laborieux qui voudra connaître l’Inde devra, avec son léger bagage, se confier aux Pères qui, se le passant de mission en mission, avec une charrette à bœufs rembourrée de paille, lui feront connaître ces contrées où le touriste ne voit rien, n’apprend rien, ne comprend rien, parce qu’on ne peut à la fois vivre à l’hôtel et étudier