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Genji, 8 septembre 1001.

Des trois montagnes de Genji j’ai, à cette heure, visité la cime. Le Krichna Ghiri et le Chandraja Dourgan n’ont plus de secrets pour moi. Quoique moins élevé de cent mètres que le Radjah Ghiri, le mont de Krichna n’est pas d’un accès moins pénible. J’en ai fait l’ascension avant-hier, et, à quatre heures du soir la température atteignait trente-huit degrés à l’ombre. Les enceintes, beaucoup plus imparfaites qu’ailleurs, sont ruinées du côté Sud, un peu moins dégradées au Nord où l’amoncellement des roches nues est coupé, à mi-hauteur, par une seconde muraille d’un assez bel appareil qui suit les lignes des pentes. Au sommet de la colline on franchit une troisième muraille renforcée de deux grosses tours rondes, dont l’une, profondément lézardée, tombera quelque prochain jour.

Le petit plateau culminant se jonche de décombres. Quelle moisson de sculptures s’offrait jadis à l’archéologue qui parcourait ces sites déserts sans redouter la surveillance du Service archéologique de l’Inde ! Aujourd’hui tous les fragmens d’ornemens et de statues ont été enlevés. Seuls quelques édifices hindouistes ou djaïnas subsistent, mais combien mutilés ! Ou bien ils ont été remaniés par les musulmans. Ces Maures ou ces Turcs, ainsi qu’on les appelle encore aujourd’hui dans le Carnatic, désaffectèrent les pagotins, surmontèrent les mandapams brahmanistes de kiosques à leur mode, et partout martelèrent les images des Dieux. Les pâtres continuent ce jeu de massacre. Tout en gardant les chèvres, ils éprouvent leur adresse en tirant au caillou contre Vichnou et Lakmi.

Le départ entre les monumens djaïnas et musulmans est singulièrement difficile à établir dans cet amas de ruines où les occupans successifs ne cessèrent, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, d’entasser les ajoutés sur les œuvres primitives. Voici un joli kiosque dont les arcatures croisées se rattachent par des entrelacs de nervures en losanges jusqu’à l’ombilic de la coupole, ce qui est assez dans la manière des Djaïnas. Ce dôme porte, sur son pourtour intérieur, une frise aux trois quarts détruite où des oiseaux se mêlent à des ornemens courans, dans le style des arabesques. Sous ce bandeau s’ouvraient les fenêtres en arc brisé, maintenant passées, comme tous les autres vides, à la condition d’orbevoies. Partout la brique et le mortier