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mètres en contre-bas. Cette crevasse naturelle s’ouvre du côté Nord. De tous les autres, le gigantesque bloc perché se lève à pic, sauf au Sud-Ouest où la masse de la montagne s’y relie par des blocs jetés en éboulis chaotique dans une étroite ravine. On pouvait donc, à la rigueur, tenter de ce côté une problématique escalade avec des Albanais ou des Afghans. Mais les architectes de Genji eurent tôt fait de rendre l’entreprise impraticable. Trois murailles parallèles, hautes de sept à huit mètres, entrecoupèrent le ravin. Ces ingénieurs firent mieux encore. Ne jugeant pas la crevasse septentrionale assez abrupte à leur gré, ils en augmentèrent les dimensions. La largeur fut portée à huit mètres, la profondeur à vingt. Un simple pont volant jeté sur l’abîme relia dès lors l’acropole au reste des ouvrages. Si l’envahisseur avait pu passer le pont, — et un seul homme suffisait à le retirer, — il trouvait le passage commandé par les courtines où bâillent les meurtrières étagées et les embrasures des pièces. S’il parcourait encore une quinzaine de mètres sous leurs feux, il rencontrait une étroite poterne que quelques gens déterminés auraient réussi à défendre contre une armée. Certes, ce n’est pas de ce côté que les Français et leurs cipayes, voire leurs alliés musulmans, ont enlevé la forteresse de la grande montagne. Ou bien les occupans s’étaient enfuis aux premiers coups de feu tirés au pied, laissant le pont en place et n’ayant d’autre préoccupation que celle de gagner au plus vite la route de Tirnamallé, par les bois, à la faveur des ténèbres.

Le fort culminant du Radjah Ghiri, qui fait si belle figure d’acropole, vu de la plaine, ne présente rien de remarquable non plus que la pagode, sa voisine. Il est de style composite, et sa grosse tour ronde tombe lentement en ruine jusqu’au jour où elle s’abîmera dans le vide. La partie inférieure de l’édifice se recommande par ses vides en arcs brisés ; ceux du premier étage sont en plein cintre ; au second, l’ogive recommence. Le caractère général est musulman. Quant aux Européens, leur main se reconnaît à ces remplis de pierres soigneusement appareillées qui aveuglent les baies. La pagode, — le pagotin, plutôt, tant elle est de dimensions exiguës, — a sa porte, ouverte au Sud et précédée d’un péristyle à colonnes de coupe polygonale et sans trace de sculptures. Seule leur division médiane se timbre, sur ses quatre faces, du tchokra boudhique, un quatrefeuille inscrit dans le cercle. Les chapiteaux en T à pendentifs se