Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/605

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hardy, Henry James et Mrs Ward ; le poète Algernon Charles Swinburne ; les historiens James Bryce et W. E. H. Lecky ; le critique Edmund Gosse ; M. John Morley ; Leslie Stephen. L’Amérique, Boston, du moins, Philadelphie, New-York, les grands centres de culture, ont accueilli tardivement ces œuvres et semblent vouloir rattraper le temps perdu. Dès 1864, la Revue des Deux Mondes, — elle a bien le droit d’en revendiquer l’honneur, — donnait une excellente traduction abrogée de Sandra Belloni, suivie bientôt de Richard Feverel[1]. Depuis, le public français n’a pas eu l’occasion de faire plus ample connaissance avec George Meredith[2]. Sans doute ses romans sont difficiles : il faut les étudier plutôt que les lire. Quelle richesse, en récompense, cet artiste subtil, cet étroit observateur de la vie offre au lecteur attentif ! Quel bienfait nous en pourrions attendre, nous dont les romans, s’ils n’ont aucun des défauts opposés aux qualités de M. Meredith, sont trop souvent dépourvus des qualités opposées à ses défauts ! Que l’esprit se fraye un chemin à travers ces fourrés et s’habitue aux jeux de la lumière et de l’ombre dans ces bois enchantés : il cédera bien vite à leur prestige. On admire alors M. Meredith et quand on pense qu’il est aussi, — d’aucuns disent surtout, — un poète et le poète de Modern Love, on se dit que, si ses romans surchargent de trop de broderies personnelles leur trame anglaise et humaine pour être unanimement salués et aimés comme de purs chefs-d’œuvre, ils sont néanmoins de très grands romans, dont l’auteur s’impose comme une personnalité de premier ordre, à coup sûr le premier homme de lettres de l’Angleterre à l’heure actuelle, aux yeux mêmes de ceux qui hésitent ou se refusent à l’en proclamer le plus grand romancier.


FIRMIN ROZ.

  1. Sandra Belloni (Emilia in England) 15 novembre, 1er et 15 décembre 1864 ; — L’Épreuve de Richard Feverel, 15 avril, 1er et 15 mai 1865. En 1869, l’auteur de ces « réductions, » G.-D. Forgues, dans un article sur le Roman anglais contemporain, parlait avec clairvoyance de G. Meredith.
  2. Il est vraiment regrettable qu’un écrivain de cette valeur et de ce rang ne soit pas représenté par une seule de ses œuvres dans nos collections de chefs-d’œuvre étrangers. Je reconnais que la difficulté de le traduire est grande comme en témoigne la version qui nous a été donnée de l’Egoïste. Nous savons pourtant qu’une traduction de Diana of the Crossways est sur le point de paraître.