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qu’il a prises ont produit à elles seules un effet foudroyant : elles ont découragé toute résistance. C’est d’ailleurs ce que nous attendions d’un chef qui connaît admirablement la frontière, qui a ses troupes en main, et qui avait déjà montré dans diverses circonstances qu’il savait, avec le moindre effort, atteindre le but et ne pas le dépasser. Il a ajouté un service de plus à ceux qu’il avait déjà rendus à la France.

Le cas du général Drude à Casablanca n’est pas tout à fait aussi simple : il reste encore enveloppé de quelques ombres qui se dissiperont sans doute quand le général sera arrivé à Paris. La presse a annoncé, un jour, que le général Drude était malade. Depuis cinq mois qu’il est à Casablanca, sa santé avait été, disait-on, profondément altérée par les préoccupations, les marches et les contremarches, les fièvres : lui-même s’en était rendu compte, et il avait demandé son rappel au gouvernement. Telle était la version officielle ; mais en même temps que les journaux la reproduisaient, quelques-uns d’entre eux, et des mieux renseignés, n’hésitaient pas à dire que la vérité était quelque peu différente et que, en somme, le gouvernement n’était pas satisfait du général Drude, Il lui reprochait d’être resté trop inerte à Casablanca et de n’avoir pas tiré, avec les troupes dont il disposait, tout le parti possible de sa situation. Le général Drude avait été prudent à l’excès, timoré, craintif, tranchons le mot : un peu mou. L’attitude de M, Clemenceau, pendant la discussion du budget de la Guerre au Sénat, avait semblé confirmer ces impressions. On avait cru jusqu’à ce moment, à tort ou à raison, que le général Drude avait des instructions qui lui interdisaient de s’éloigner des murs de Casablanca, de plus d’un petit nombre de kilomètres, et c’est par là qu’on expliquait ces expéditions à très court rayon à la suite desquelles le général, après les avoir commencées le matin, ne manquait jamais de rentrer le soir en ville, pour y coucher. Un sénateur, M. Gandin de Villaine, se plaignait que le ministère eût laissé aussi peu de liberté au général Drude. Mais tout cela était-il vrai ? M. Clemenceau, qui semblait avoir de la peine à se contenir à son banc, hachait littéralement d’interruptions rageuses le discours de M. Gaudin de Villaine, répétant avec une vivacité qui était presque de la violence que le général Drude avait reçu trente dépêches qui lui ordonnaient de prendre l’offensive, et qu’on lui avait envoyé toutes les troupes elles munitions qu’il avait demandées. Ces affirmations ont été confirmées par M. le ministre des Affaires étrangères, avec plus de modération dans la forme, mais non moins de netteté dans le fond. Quelques