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prochaine n’équivaut pas à la certitude d’une paix définitive. A considérer les points spéciaux qui ont été débattus depuis un an, on peut dire qu’aucun d’eux n’a fait l’objet d’une solution complète. S’agit-il des écoles ? Les deux procès destinés à fixer le droit ont été abandonnés avant qu’un jugement intervînt. S’agit-il de l’immigration ? Un expédient implicitement accepté par le Japon, un artifice diplomatique, a permis de la restreindre, mais non de la supprimer : et c’est à cette suppression que visent les Californiens. S’agit-il du texte même qui préside aux relations nippo-américaines, du traité Gresham-Kurino et de son interprétation ? Cette interprétation est controversée : les Japonais attendent de lui plus d’avantages qu’il ne leur en confère au gré des Californiens.

Cette discussion comporte des apaisemens passagers, mais aussi de brusques réveils. À ces réveils ultérieurs les occasions ne manqueront pas. Tout prouve en effet que la haine du travail jaune n’a pas, en Amérique, dit son dernier mot. A quelques mois de distance, la Colombie britannique a connu les mêmes troubles que la Californie américaine et toujours pour les mêmes causes. Un jour viendra où, le problème se généralisant, c’est sur toute l’étendue des deux Amériques que l’immigration japonaise inquiétera les États-Unis. A l’heure présente, l’immigration japonaise dans l’Amérique du Sud est encore peu considérable ; mais elle commence déjà, repoussée au Nord, à prendre cette direction. Au Mexique, dans l’Argentine, au Brésil, on manque de main-d’œuvre : la main-d’œuvre japonaise s’offrira et on l’acceptera jusqu’au jour où l’on trouvera qu’elle tient trop de place[1]. De même aux Hawaï, aux Philippines, dans l’Alaska, les deux races se heurtent ou se heurteront. Et ni l’une ni l’autre n’est disposée à céder. Les Américains, forts de leurs intérêts menacés et de leur orgueil blessé, déclarent qu’ils ne se laisseront pas « manger par des singes jaunes. » Ils remarquent d’autre part que les Japonais sont mal venus à se plaindre des précautions que l’on prend contre eux, alors qu’eux-mêmes, sur leur propre territoire, donnent l’exemple des mesures prohibitives. Ils rappellent le décret du Mikado de 1899 qui interdit à tout étranger, qu’il soit Européen, Américain ou Chinois, de travailler comme ouvrier dans l’agriculture, dans

  1. Voyez Aubert, le Japon, le Canada et l’Amérique du Sud, — Revue de Paris, 1er novembre 1907.