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cubes. En moyenne, par an, les États-Unis ont donc dépensé 80 500 000 fr.[1] et excavé 1 510 000 mètres cubes. À cette vitesse, que de temps passera avant que les deux mers communiquent librement ! Dans un autre ordre d’idées, la crise financière, avec ses conséquences économiques et sociales, est un gage de paix, puisqu’elle absorbe l’attention des Américains à l’intérieur de leurs frontières et les détourne de l’action extérieure. Au reste, d’une façon générale, la grande république est sincèrement et profondément pacifique. Elle a besoin de calme pour développer, en le régularisant, son merveilleux essor industriel et commercial. Elle a besoin de calme pour se doter de la marine marchande qui lui manque. Elle a besoin de calme pour consolider les bases de sa magnifique fortune.

Du côté japonais, les raisons qui militent en faveur d’une politique pacifique ont également beaucoup de force[2]. Le gouvernement du Mikado a un intérêt primordial à réduire, aussi vite que possible, sa dette étrangère et à améliorer sa balance commerciale. Pour cela, la paix lui est nécessaire. Elle lui est nécessaire aussi pour réaliser son projet de rachat des chemins de fer, pour achever la pacification de Formose, pour organiser la Corée, pour transformer les voies ferrées d’Antoung à Moukden et de Moukden à Sin-Min-toung, pour créer en Mandchourie et en Corée de nouvelles voies de communication. La guerre contre la Chine n’avait imposé au Japon que des charges peu pesantes. Au contraire, la guerre contre la Russie a rendu permanens des impôts qui devaient être provisoires et a exigé d’autres sacrifices encore. Il est impossible que, dans ces conditions, les Japonais désirent la guerre. Il est improbable qu’ils la provoquent. Il est juste d’ajouter que leurs hommes d’État, d’accord en cela avec les hommes d’État américains, déclarent hautement que c’est folie de croire à une guerre ; que les incidens récens ont été grossis par les journaux dans un intérêt de parti ; que jamais il n’y a eu un désaccord grave, un risque sérieux de rupture ; que l’entente est acquise et sera durable.

Toutefois, les causes des difficultés récentes sont des causes permanentes. Et, par cela même, l’invraisemblance d’une guerre

  1. Voyez Philippe Bunau Varilla, le Détroit de Panama.
  2. Voyez à ce sujet l’excellent livre de M. Edmond Théry, la Situation économique et financière du Japon.