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« virtuellement réglée, » semblant indiquer que le Japon était aussi peu désireux de voir ses nationaux partir pour les États-Unis que ceux-ci de les voir entrer sur leur territoire.

Depuis lors, aucune nouvelle précise n’est venue confirmer ou infirmer cet espoir.

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La question nippo-japonaise est par conséquent une question ouverte. Nul ne peut prétendre, à l’heure où nous sommes, en établir le bilan. Le présent, en cette affaire, est le fils du passé. Mais, suivant le mot d’Herbert Spencer, il est aussi le père de l’avenir.

Une lutte prochaine entre le Japon et les Etats-Unis n’est pas vraisemblable. Au point de vue naval, les forces des deux peuples se balancent sensiblement. Les États-Unis disposent en tout de 23 cuirassés, de 12 croiseurs cuirassés et de 21 croiseurs protégés. La flotte japonaise est moins nombreuse. Elle compte 15 cuirassés, 10 croiseurs cuirassés et 21 croiseurs protégés. Mais elle a l’avantage d’être tout entière groupée dans les mêmes eaux, comme l’est en Europe la flotte allemande. Elle est de plus admirablement entraînée, et la guerre russo-japonaise a démontré la remarquable valeur des officiers autant que l’endurance des soldats. La cohésion et l’unité morale doivent être chez les Japonais plus fortes que chez les Américains, comme aussi la discipline. Bref, aucun des deux pays ne pourrait, en cas de conflit, compter sur un indiscutable avantage maritime, condition nécessaire d’un débarquement des Japonais sur les côtes américaines : et c’est là une raison pour qu’ils n’aient nulle hâte d’engager la lutte. Du côté américain, on n’y songe pas davantage, et pour beaucoup de motifs. Le premier, c’est que les États-Unis commettraient une folie s’ils s’aventuraient de leur plein gré dans une guerre, dont le Pacifique serait le théâtre, avant l’achèvement du canal de Panama. Or cet achèvement n’est pas prochain à en juger par les résultats obtenus. Si l’on compare les travaux de l’ancienne compagnie française à ceux de l’entreprise américaine, on constate en effet qu’en huit ans de travail, la première a dépensé 782 000 000 francs et excavé 55 000 000 de mètres cubes, tandis que la seconde en trois ans de travail, a dépensé 235 000 000 francs et excavé 4 400 000 mètres