Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ver trois ans plus tôt contre celles de l’amirauté britannique.

Dans les circonstances où il se produisait, le déplacement de la flotte devait apparaître comme une mesure de précaution militaire. Mais comment nier que cette précaution ne fût légitime ? Les guerres que l’on désire ne sont pas les seules auxquelles on doive se préparer. Et comme nul ne peut connaître la secrète pensée d’un adversaire éventuel, il est d’une élémentaire prudence de se préparer, en tout état de cause, en vue de l’hypothèse la moins favorable. Comme l’observait la Morning Post, la décision du gouvernement des États-Unis était parfaitement naturelle. Et s’il y avait en cette affaire matière à s’étonner, c’était que cette décision eût été aussi tardive. Étant donné, d’une part, l’importance qu’à la suite d’un des auteurs les plus lus des États-Unis, le capitaine Mahan, l’opinion américaine attache à la maîtrise du Pacifique ; étant donné, d’autre part, le soudain et prodigieux essor de la puissance navale du Japon, il était aisé de prévoir qu’un jour viendrait à Washington, où, de l’Atlantique, on déciderait d’amener tout ou partie de la flotte dans le Pacifique. Tant que le canal de Panama ne sera pas ouvert, ce déplacement d’une force considérable sera difficile : il demandait donc à être étudié.

Il est probable au surplus que, malgré l’énervement qu’entretenaient les journaux, l’envoi de la flotte dans le Pacifique aurait paru moins suspect au Japon, si, dès le premier jour, M. Roosevelt avait tenu publiquement le langage plein de fermeté et de franchise qu’il devait faire entendre quelques semaines plus tard. Malheureusement, cette affaire de la flotte fut mal engagée. Le secrétaire du président, M. Lœb, commença par démentir qu’on eût jamais songé à opérer ce transfert,tout en reconnaissant cependant que le conseil naval l’avait recommandé. Le ministère de la Marine publia une note analogue. Mais les journaux maintinrent leurs informations. Alors parut un communiqué qui disait en substance : « La destination des cuirassés n’est pas fixée. Ils peuvent aussi bien aller dans la Méditerranée, ou dans le sud de l’Atlantique, que dans le Pacifique. S’ils se rendent dans le Pacifique, ce sera tout simplement pour y faire des manœuvres navales. En tout cas, cette croisière n’aura aucune signification politique, et il est faux que le gouvernement se soit laissé influencer par la tension survenue entre des particuliers américains et japonais. » Quelques jours après, la croisière était