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de ce premier assaut, des incidens analogues éclatèrent. Et d’autres restaurans japonais se virent également menacés soit directement, soit dans la personne de leurs cliens. Les faits furent aussitôt portés à la connaissance du gouvernement japonais par son consul à San Francisco, et l’ambassadeur du Japon reçut l'ordre de faire à Washington les démarches que les circonstances imposaient. « Sans perdre un instant, » le gouvernement de l'Union prescrivit à l’attorney de San Francisco d ouvrir une enquête. Il prescrivit en même temps au gouverneur de la Californie de prendre toutes les mesures nécessaires. L’enquête établit que les grèves nombreuses par lesquelles San Francisco avait été troublé tout le mois de mai avaient absorbé la police urbaine en l’empêchant de protéger, comme elle aurait dû le faire, les commerçans japonais.

Ce récit apaisant communiqué au début de juin à la presse, par l’ambassade du Japon à Londres reproduisait fidèlement le schéma des événemens ; il n’en donnait pas la physionomie vivante. Sans doute, les bagarres de San Francisco n’avaient pas en elles-mêmes une extrême gravité ; mais l'impression produite était considérable. La presse officieuse de Tokyo et le gouvernement lui-même continuaient à exprimer leur confiance dans le président Roosevelt ; mais l’opposition parlait d’un ton plus vif et reprochait au ministère de manquer d’énergie. Une dépêche, peut-être exagérée dans ses termes, annonçait le 10 juin que le vicomte Tani, chef de l’opposition à la Chambre des pairs, avait dit : « La persécution des Japonais à San Francisco est intolérable. Si la diplomatie ne réussit pas à obtenir une solution satisfaisante, le seul recours possible sera un appel aux armes. Nous y sommes fermement décidés. Il est certain que l’Amérique cédera : car elle est une nation de sentimens essentiellement commerciaux. » Le même jour, la commission exécutive du parti progressiste adoptait la résolution suivante : « Les actes anti-japonais ne sont pas passagers. Le gouvernement de Washington doit être tenu pour responsable de ne pas empêcher de pareils attentats. L’attitude du gouvernement japonais à l’égard du gouvernement américain n’a pas été jusqu’ici ce qu’elle aurait dû être. Il est nécessaire de prendre des mesures convenables pour maintenir la dignité nationale et assurer de façon permanente la sauvegarde des droits et des biens de nos nationaux en Amérique. » Les journaux de l’opposition expri-