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Auckland, aux Philippines, l’agitation anti-japonaise augmentait. Le 8 janvier 1907, le gouverneur de la Californie, M. Pardee, dans son message annuel à la législature locale, critiquait amèrement le message de M. Roosevelt. Il reprochait au Président d’ignorer la situation vraie des États du Pacifique. Et il ajoutait : « Les Japonais ne peuvent pas devenir de bons citoyens américains. Il est inutile d’essayer de les transformer. » Au Congrès fédéral, un sénateur de l’Orégon demandait la fermeture absolue des frontières américaines aux coolies japonais, proclamait le droit souverain des États de diriger leurs écoles à leur gré et s’écriait : « L’immigration asiatique est une malédiction pour le travail américain. » Le sénateur Tillman, ancien gouverneur de la Caroline du Sud, disait : « Le niveau intellectuel des Japonais n’est guère plus élevé que celui des nègres. » Le 30 janvier, le Sénat de Californie adoptait à l’unanimité une résolution requérant le gouverneur et l’attorney général de « protéger et sauvegarder les droits de l’État souverain de Californie. »

Les députés californiens au Congrès, malgré plusieurs entrevues avec MM. Roosevelt, Root et Metcalf, soutenaient énergiquement la même thèse qu’une délégation spéciale était venue défendre à Washington. Seul le président de la grande université Stanford en Californie osait qualifier de « politique d’apaches » l’exclusion des Japonais. Cette voix isolée retentissait dans le désert, ou, plus exactement, elle était étouffée par les clameurs populaires. Même, le commissaire de l’immigration, sur des instructions provisoires, venues de Washington, empêchait de débarquer à San Francisco 200 ouvriers japonais qui arrivaient des Hawaï. La visite annoncée en novembre d’une escadre japonaise à San Francisco était décommandée. On assurait enfin que quatre cuirassés détachés de l’escadre de l’Atlantique seraient à bref délai transférés dans le Pacifique. Et pendant ce temps, le Japon consacrait à son budget militaire plus de 200 millions de yen.

Il y eut dans ce mois de janvier 1907 une véritable tension, non point, semble-t-il, une tension diplomatique : car les deux gouvernemens ne cessèrent pas un instant d’affirmer leurs bons rapports, mais cette tension morale qui pèse sur les foules, quand leur instinct leur révèle l’existence d’une question mal posée, mal engagée, mal conduite. L’équivoque, le malentendu