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me sens poussé à parler ainsi par l’attitude hostile que l'on a prise çà et là dans ce pays contre les Japonais. » Le Président rappelait ensuite l’amitié du Japon et des États-Unis ; l’expansion « vraiment formidable » de l’empire du Mikado ; son glorieux passé ; son antique civilisation ; sa grandeur « dans les arts de la guerre et dans les arts de la paix. »

Il ajoutait : « Le fait d’exclure les Japonais des écoles américaines est tout à la fois odieux et ridicule, quand on considère qu’il n’est pas de collège en Amérique, d’un rang si élevé soit-il, et cela même en Californie, qui n’accueille volontiers les étudians japonais et à qui ces étudians ne fassent honneur. Nous avons autant à apprendre du Japon que le Japon de nous... Partout au Japon les Américains sont bien traités. Si donc nous traitons moins bien chez nous les Japonais, ce n’est rien de moins qu’un aveu de l’infériorité de notre degré de civilisation. » Faisant front au préjugé courant, M. Roosevelt montrait ensuite que, si les États-Unis doivent travailler à jouer « un rôle toujours plus important dans le Pacifique, » ils doivent, pour y compter sur un « développement durable, » traiter avec bienveillance les nationaux des autres pays. Et il concluait avec une singulière énergie : « Je demande un traitement équitable et convenable pour les Japonais comme je le demanderais pour les Allemands, les Anglais, les Français, les Russes ou les Italiens. Je demande que les lois fondamentales de l’Union en matière criminelle et civile soient modifiées et complétées de façon à permettre au président, agissant au nom du gouvernement des États-Unis, responsable des relations extérieures du pays, de faire respecter les droits consentis par traités à des étrangers. Même dans l’état actuel de nos lois, le gouvernement peut faire quelque chose dans ce sens, et dans le cas qui nous occupe, celui des Japonais, tout ce qui est en mon pouvoir sera fait ; toutes les forces, tant militaires que civiles, des États-Unis seront employées.... »

Jamais chef d’État n’avait parlé plus franc. Le discours du Président devait produire et produisit une forte impression. Au Japon, il rencontra, comme on pouvait s’y attendre, le plus sympathique accueil et l’on y vit en général la promesse d’une prompte solution. A San Francisco, il provoqua de violentes colères qui trouvèrent leur écho dans la presse et même au Congrès. A examiner de plus près les affirmations présiden-